lundi 20 janvier 2014

Episode 47 : Hyttetur, pierre angulaire de la vie d'un blond

Chers tous,

Ce week-end, on a fait ce que beaucoup de Norvégiens font habituellement le week-end, on est partis à la hytte. En « hyttetur ».

Le hyttetur, c’est une des pierres angulaires de la vie norvégienne. La hytte est une sorte de chalet à la montagne ou à la mer ou au milieu de nulle part, mais en Norvège, tout ça se combine facilement. C’est souvent une résidence secondaire, mais ça peut aussi être une propriété du comité d’entreprise qu’on loue ou bien celle d’un oncle qu’on emprunte.

Une hytte, ça ressemble à ça

Ou à ça:

Ou encore à ça:

L’hiver pour skier, l’été pour pêcher et faire du bateau, la hytte, qu’elle est bien à utiliser toute l’année !

On est donc partis à 16h vendredi, et au boulot il y avait déjà plus personne dans l’open space. Car 16 heures, c’est tard pour se mettre en route vers la hytte.
On a quitté Oslo et on s’est élancé avec la voiture pleine comme un œuf sur la route qui mène vers toutes les hyttes. La E18. On n’était franchement pas les seuls sur la E18, et dans les bouchons, c’était facile de voir que les autres qui faisaient la queue allaient aussi à la hytte, car toutes les voitures avaient un coffre sur le toit plein de skis et de bâtons et de traineaux et de trucs qu’on utilise en hyttetur l'hiver.

Ce pays est très grand et tout vide, mais les Norvégiens ont le chic pour se retrouver tous en même temps sur la même route, et donc ça fait des embouteillages, surtout que la plupart des routes principales en Norvège ressemblent à la route qui monte à l’Alpe d’Huez. Des virages et de la pente.

Il neigeait et neigeait, il faisait nuit, et le thermomètre de la voiture indiquait des températures de plus en plus basses à chaque dizaine de bornes franchie. Mais, pas décence pour mes amis, j’ai évité de prendre une photo du tableau de bord de la voiture et de la mettre sur facebook avec un statut minable à la « -13 ! grrrr ».

Sur le bord de la route, des maisons magnifiques, rouges foncées ou blanches avec des toits recouverts d’une couche homogène et immaculée de neige.  Avec des petites lumières et tout.

J’avais l’impression d’avoir retrouvé mon cœur d’enfant en voyant ça, surtout quand le Père Noël a frappé au carreau de la voiture ! Mais en fait c’était un local qui aidait à la circulation et dont la tête avait été recouverte de neige à force d’être dehors des heures.  

Et puis on est arrivé, enfin. Comme on était en Norvège, on s’est quand même demandé si on avait le droit de se garer là, alors qu’il y a de la place partout.

Ensuite, il a fallu creuser la neige pour arriver à la porte de la hytte.

Vue de la route

Vue de la porte de la maison, ah merde, j'ai oublié un truc dans la voiture, à qui le tour pour le bain de neige ?

Il fallait faire un code pour ouvrir la porte de la hytte, et le code était sur internet. Ça c’est la beauté d’un pays de gentils, que je me suis encore dit.

Les parents de Bjørn Håkon avaient fait des courses pour le week-end, mais il y avait de la bouffe pour trois semaines. Mais quand on voyait que la neige arrivait jusqu’en haut des fenêtres de la hytte, je me suis dit qu’on savait pas combien on resterait, après tout. Always trust the locals, qu’ils disaient.

Quand on est déjà allé en hyttetur, le premier réflexe de quelqu’un qui a grandi en ville, c’est de s’assurer qu’il y a des toilettes, une douche et de l’électricité. Oui car ce pays richissime über-like se foutre dans des situations précaires le weekend, juste pour le trip « back to basics ». Et je peux comprendre ! Quel bonheur de pisser dehors quand on s’enfonce jusque-là dans la neige !

Mais puisque je te dis que personne peut te voir d'ici !

Le samedi matin, la neige avait presque enseveli la maison.

Ca vous embête si on ouvre pas la fenetre de la chambre cette nuit?


Les Norvégiens ont un taux de bien-être corrélé à la quantité de neige en hiver, alors je peux vous dire que c’était bonne ambiance au petit dèj.

Apres le petit dej on s’est préparé pour le skitur. Tour en ski de fond quoi. Là commencent les discussions cruciales sur le fartage des skis, et ça rigole pas.

 Boîte de 80 crayolas version nordique

Enfin si, ca rigole quand meme un peu, surtout quand les chaises du salon du XIX ème siecle s'avèrent être d'une toute nouvelle utilité 

On s’est promenés des heures sous la neige dans des paysages magnifiques (les photos ne sont pas prises en noir et blanc !)



Dans la quiétude et la beauté des paysages, on voit des choses un peu loufoques, des gens qui font des feux au bord de la piste et grillent des saucisses, d’autres qui se font tracter en ski par leur clébard, des petits aux cheveux platines, aux grands yeux bleus et aux joues rouges qui s’étalent dans la poudreuse à chaque virage en riant. Une belle publicité pour la Norvège, majestueuse et sans soucis.

Quand on rentre à la hytte à 16h30 et qu’il fait nuit, et on se douche et on passe à table à 18 heures. Moi qui n’ai jamais rien contre l’idée de manger, je me rends compte que je me suis bien habituée à ce rythme.
La soirée au coin du feu alterne ensuite sauna et jeux de société qui datent d’avant la construction de la hytte, sachant que tout le monde est au lit tôt. 4 heures sous la neige quand il fait -15 ca fatigue un peu, il parait.

Le dimanche était une copie de la veille, sauf qu’il a fallu vider le frigo et s’étendre dans le livre d’or de la hytte de location en expliquant comme on était content et comme on avait passé un bon moment en famille. Oui, c’est très norvégien cette forme de romantisme idyllique envers son propre pays.

Le lundi au travail, mon chef me racontait qu’il était aussi en famille à la hytte, et que comme sa fille ainée commençait à être à l’aise en ski de fond, elle allait bientôt avoir le droit de commencer le ski de piste. Le ski alpin est perçu comme une récompense après l’effort d’avoir appris le ski de fond chez les blonds. Comme dans ma tête d’allergique au ski, cette histoire a résonné comme une sale affaire de double peine, j’ai hésité à lui avoué que j’avais passe tout le week-end en raquettes.

Le bécot à tous,


Martine