mardi 20 mai 2014

Episode 50 : En mer dès le matin, en mer dans la journée ...

Chers tous,

Le mois dernier, avec Bjørn-Håkon, on a passé le permis bateau à Oslo.
Passer le permis bateau en Norvège me laissait un peu rêveuse…

Allait-on nous apprendre des méthodes ancestrales des vikings, qui lisaient dans les étoiles pour découvrir de nouveaux continents avant tout le monde ?


Dans ce cas, nous apprendrait-on à battre la cadence et à fouetter des rameurs suédois à travers les océans ?


Allait-on plutôt nous apprendre – les boules ! - à conduire un brise-glace ?

Permis bateau norvégien, leçon 1

Ou bien, quitte à faire dans le scandinave contemporain, à conduire un yacht comme un couple de vieux riches ? Et dans ce cas, je m’imaginais déjà volontiers en cougar incorrigible lécher du champagne sur le torse nu et sans un poil de plein petits suédois de vingt ans efféminés en marin Jean-Paul Gauthier qui me serviraient d’équipage, pendant qu’un bouquet de bonnasses suédoises en bikini Bay Watch masseraient les mollets de Bjørn-Håkon à l’avant du bateau…et même qu'il aurait les cheveux gominés en arrière et se moucherait dans des billets de 50€.


Une photo du petit yacht, le reste je vous laisse imaginer…

Bref, je laissais volontiers mon esprit vagabonder.

Puis le jour J est arrivé.
On nous a demandé de nous ramener dans une salle de classe de lycée en plein centre-ville et je dois bien admettre que tout ça puait l’enfourre.

Les gars, croyez-moi ou pas mais en Norvégie on apprend à faire du bateau sur des slides powerpoint.  

Notre prof a accueilli la centaine de participants dans un amphithéâtre. Il était boudiné dans son soit disant polo de rugbyman à rayures épaisses, et avec sa tête large aux traits disgracieux, on lui aurait plus volontiers donné un couteau a dépecer une pièce de gibier qu’un élégant voilier a conduire dans les flots bleu-fjord.

Il se tortillant sur sa chaise de bureau qui il faisait naviguer sur la scène de l’amphithéâtre pour nous faire des démos dans des couinement de plastiques qui je dois l’admettre, ne rendent pas vraiment compte de ce que ça donne en mer. Limite il faisait lui-même le bruit des mouettes et nous balançait des embruns pour nous mettre en situation. Là où j’ai commencé à me demander si ce n’était pas une caméra cachée, c’est quand il a distribué des bouts pour qu’on s’amarre à la chaise de devant.

Dans la salle, il y avait tous les clichés.

- Le sale gosse des beaux quartiers qui a eu des tonnes de fric pour sa confirmation et qui veut tout claquer pendant l’été en achetant un premier bateau. Au programme : copains, conneries, guitare, premières draguoilles-flirtouilles-touche-pipouilles et premières cuites, et la seule question qu’il pose c’est qu’elle est la limite d’alcoolémie autorisée en mer.
- Le cool qui s’intéresse uniquement aux règles pour scooter des mers. Le mec n’a pas enlevé ses lunettes de soleil pendant tout le cours alors que ça faisait que deux semaines qu'il faisait à nouveau jour à Oslo.
- Le mec qui arrive tout droit du boulot en costard, le vieux beau, qui a sûrement une villa à Bygdøy et un yacht et dans ce cas-là je me demande bien si c’est vraiment lui qui va le conduire son putain de bateau ou s’il va pas lui aussi se payer les bonnasses suédoises et les petits marins Jean-Paul Gauthier
- Et puis, surtout, la blonde qui pose cette question – véridique- « Mais si la distance entre les méridiens est plus grande à l’équateur qu’aux pôles, ça veut dire que les bateaux vont plus vite en s’éloignant de l’équateur nan ? ». Le soir en me couchant, j’en jubilais encore. Même les blondes sont les plus connes au pays des blonds. VIC-TOIRE

Enfin ça y est. On a eu le permis et nous voilà parés à affronter le monde de la mer en Norvège.
L’été, c’est plutôt ambiance bord de mer romantique, eau réchauffée par le Gulf stream, c’est joli joli.



On mange des crevettes, on boit du vin blanc le soleil ne se couche jamais et c’est tellement idyllique qu'on en fait même des design de canettes de bières...

Des ancres et des voiliers... ben voyons...

Mais les 11 autres mois de l’année, voilà l’ambiance :


Pince-mi et pince-moi sont dans un bateau. Devine ce qui va te pincer si tu passes à la baille.

Il ne vous reste plus qu'à venir faire un tour sur le fjord d'Oslo :) 

Le bécot à tous.


Martine

mercredi 9 avril 2014

Episode 49 : Bon anniversaire petite trentenaire

Chers tous,

Cette semaine, Martine fête son 49ème épisode et moi mon trentième anniversaire. It’s time to celebrate. Je consacre donc ce nouvel épisode allez hop ! pomp it up ! à comment qu’on célèbre un anniversaire en Norvège. Oui hein tiens donc ? Dites voir ?

La journée commence en général par un petit dej au lit concocté par son viking préféré, ou autre être cher.
Un début de journée glam donc

Ensuite, vous avez l’épreuve de la chanson à l’arrivée au boulot. La Norvège veut encore une fois faire les choses à sa façon et a donc sa propre chanson d’anniversaire.
Et il y a un truc un peu tordu dans le fait d’avoir la chanson d’anniversaire la plus longue du monde avec chorégraphie s’il-vous-plaît, sachant que les scandinaves sont plutôt des grands timides qui ont en horreur d’avoir l’attention sur eux.
Regardez-donc ici (j’ai eu littéralement la même au taff)

http://www.youtube.com/watch?v=nOW45XodiuE

Mon moment préféré est bien sur quand ils imitent le saut à ski. Une petite piqure de rappel des valeurs fondatrices de la nation Norway ne fait jamais de mal.
Cette chanson est encore bien la preuve que c’est beau d’être 5 millions, on a le temps de chanter un quart d’heure par personne.

Ensuite, il y a le champ lexical qui va de « Hourra pour toi » why not ?? même si quand on a le derch vissé sur la chaise de bureau et que c’est les autres qui font des sauts, des tours, des portés, et de l’imitation de sport d’hiver on comprend plus trop, à « félicitations ». On vous félicite d’avoir passé l’hiver en somme. 
Féliciter en norvégien se dit joliment gratulere. Et ma mère, elle te gratouille, blaireau ?

Toute la journée, on vous appelle « Bursdagsbarn » ou encore « l’enfant dont c’est l’anniversaire » et ce quelque soit votre âge, ce qui est somme toute plutôt sympathique. 
Mais là où ça se barre en vrille, c’est que s’il fait beau c’est que vous avez été– je cite – un enfant gentil. Je vous laisse ainsi conclure dans le cas de la contraposée. Bjørn-Håkon, dont l’anniversaire est fin novembre est content. Il fait un temps de cochon polaire tous les ans, et tous les ans, c’est de sa faute. Paie ta coutume fumeuse dans un pays où il fait quand même avouons-le faut arrêter plus souvent pas trop beau que trop beau.

Et puis bien sûr, il y a des gâteaux. Ici, la corporate attitude n’a pas de limite, regardez-donc ceci (ah si si, c'est un gâteau…)


Et celle du patriotisme non-plus d’ailleurs. Allez hop, toujours une bonne raison d’être norvégien à la vie à la mort.


Pour la fête, vous avez plusieurs alternatives.
a) Votre cher et tendre vous fait à bouffer ou vous invite au resto, seul jour de l’année où l’on semble déroger à l’imparable parité: on doit vous offrir le resto quoi qu’il arrive.
è A choisir si vous êtes amoureux, radin ou les deux

      b) Vous organisez une préchauffe un vendredi ou un samedi soir entre potes et quand vous êtes complètement cuits à minuit vous sortez faire la fête en ville. Un tour en ville ça se dit bytur en norvégien, et ce faux-ami a une ironie tellement belle que je ne décris pas plus le ton de la soirée.
è A choisir si vous êtes single

     c) Vous organisez un dîner d’anniversaire. Alors que vous passez la semaine en jeans au taff, vous sortirez votre costard de la soirée de Noël d’entreprise et réunirez vos proches, souvent la famille. Le dîner sera très formel - les norvégiens auraient-ils donc des manières ? Vous prendrez un ou deux suédois pour faire le service d’une nourriture excellente - les norvégiens sauraient-ils donc faire à bouffer ?
Le tout sera ponctué – mitraillé devrais-je dire- de discours tire-larme de l’oncle, la grand-mère, l’ami d’enfance et du suédois qui fait le service dont on se moquera un peu volontiers.  On vous dira vous êtes formidable et le tralala.
è A choisir si vous avez une maladie incurable, histoire de partir en paix
          
     d) Lorsqu’il s’agit de l’anniversaire d’un enfant, les parents organisent un goûter d’anniversaire. Les choses doivent être vues en grand, avec moultes jeux, animations, gâteaux et drapeaux. Mes collègues prennent en général un jour de RTT ensuite, et  arrivent le surlendemain au bout du rouleau « j’avais un troupeau de gamins dans mon jardin et il faisait -20 »
è Obligatoire si vous avez des enfants et devinez quoi, en Norvège, c’est très impoli de ne pas inviter toute la classe

e) Enfin, surprise, pour son anniversaire, on peut même partir en hyttetur.
è Tout le monde le fait, voyons !

Le bécot,
Martine 

lundi 3 mars 2014

Episode 48 : Norvisage : la passion des JO d'hiver

Norvisage

Chers tous,

Deux semaines de jeux olympiques d’hiver viennent de s’écouler, et voici le classement des pays aux jeux de Sotchi par nombre de médailles.




La Norvègie, avec ses cinq millions d’habitants, arrive fièrement deuxième (et notez bien au passage le nombre de médailles pour les petits gros de la Scandinavie, les Danois, mouarf), uniquement devancée par le plus grand pays du monde. La flamme olympique a brûlé plus que jamais dans le cœur des blonds et la conclusion de ces jeux est implacable : Madame Norvège est une machine à produire des champions.

Voici donc une enquête Martine chez les blonds sur la culture du ski en Norvège, l’amour passionnel des Norvégiens tant pour la neige que pour l’effort sportif, et la mobilisation générale pour les JO, entre pluie de médailles, débat sans fin sur le fartage des skis et engouement patriote maximum.

Pourquoi le ski de fond est-il aussi important dans la société norvégienne ?

Les Norvégiens le disent eux-mêmes en bombant le torse : ils sont nés avec des skis aux pieds.




Si ce n’est sûrement qu’une métaphore (ou alors **tain c’est un peu répugnant !), il est toutefois indéniable que le ski est au cœur de l’identité norvégienne.

On se souvient que les vikings en faisaient


et que c’était quand même un moyen de locomotion vachement pratique il y a mille ans déjà.

A l’heure actuelle, le ski de fond est une des pierres angulaires de la vie en Norvège : sa pratique permet de profiter de paysages incroyables l’hiver.

Trop beau !

Mais aussi d’éduquer les enfants au goût de l’effort dans la nature.

Le fils de notre voisin, 9 mois, dans sa troisième traversée de l’Antarctique

(j’ai même vu des classes de collège faire du ski à roulettes au bord de la mer pendant les heures d’EPS l’été).

Plus généralement c’est un facteur d’intégration dans la société. Oser dire trop haut qu’on n’aime pas trop le ski de fond n’est acceptable que dans les trois premiers mois où on habite dans ce pays. Ensuite, il faut au moins essayer, et si vous continuez de dire que vous aimez pas et qu’il va sacrément falloir songer à vous lâcher la grappe avec ces putains d’histoires de ski, vous pouvez vous prendre des mandales de vos collègues à la cantine, parce qu’avec un si beau pays et des si bons skis, c’est un peu cracher dans la soupe quand même.

Véridique, la croix rouge d’Oslo recrute des blonds bénévoles pour emmener les refugiés politiques accueillis par le gouvernement faire du ski dans les bois autour d’Oslo, histoire de les intégrer au mieux dans la société norvégienne.

Autre fait marquant : il est courant de mettre sur son CV en Norvège les trophées qu’on a décrochés aux courses de ski de fond les plus connues en Norvège et ailleurs. On y gagne en crédit. Pas mal de dirigeants de grosses boites norvégiennes sont aussi d’excellents fondeurs.

Vous l’avez compris, on n’y coupe pas.

Le ski oui, mais l’hiver surtout !

Il y a en Norvège un culte général des sports d’hiver. Une sorte de boulimie de neige, de glace et de trucs qui glissent dessus.
Combinez des hivers rudes et sans fin avec un peuple de forces de la nature. Ajoutez-y un culte du sport et de l’affrontement des éléments et vous aurez compris. En Norvège, on est sportif d’hiver, on en raffole même.

Mais c’est vrai que quand on voit le rapport nombre de médailles/taille de la population pour la Norvège, on en vient quand même un peu à se demander si on devrait pas se mettre au steak d’élan au petit dej en France aussi.

On ne plaisante pas avec les choses sérieuses

Ainsi, il est aisé d’imaginer que les jeux olympiques d’hiver sont en Norvège, mille fois plus importants que tous les autres événements sportifs. Bon leur dites pas, mais d’accord c’est parce qu’il y a du ski, de la neige et tout, mais c’est surtout parce qu’ils ne participent pas à grand-chose d’autre. (Ok sous la menace de Bjørn-Håkon je vous rappelle que les Norvégiens sont aussi très forts en handball et en javelot. J’interromps la rédaction de cet épisode pour aller copier 100 fois « Les norvégiens sont les plus forts »).  

Aussi les relais 4x5km dames et 4x10km messieurs sont-ils médiatisés comme une finale de coupe du monde de football. La planète norvégienne entière retient son souffle devant ces épreuves. 

Au travail aussi, tout s’arrête aussi pour faire place au sport. Rien n’est plus intéressant que le ski de fond pendant les JO d’hiver en Norvège. L’engagement est sans limite, des larmes, des cris et des hugs fraternels devant les écrans. N’importe quoi. Franchement, j’ai jamais entendu un seul collègue élever la voix pendant trois ans, et vas-y que ça beuglait dans l’open space devant la finale du biathlon parce qu’un Norvégien avait gagné.

L’investissement en temps et en argent pour le fartage des skis est en outre absolument hallucinant, des millions d’euros, des dizaines d’anciens champions qui testent un millier de paires de skis à Sotchi pour la team Norway, des débats sans fin sur pourquoi il fait trop chaud et les skis n’avancent pas, des interviews d’experts en fartage qui passionnent les blonds et déchirent les médias, des mecs virés pour avoir un peu merdouillé le fartage des skis pour une épreuve de combiné nordique et des discussion sans fin aux coins des bars de Norvège et de Svalbard sur la couleur de fartage qu’on aurait dû utiliser.

Même les curling boys se font designer des pantalons par des couturiers. (encore plus n’importe quoi !)


Remarquez que celui à droite est celui en photo dans un épisode précédent (le 34) qui nous a comparés à des Indiens qui n'avaient jamais vu de glace en nous voyant jouer au curling

Et Marie Bjørgen avait une doudoune plaquée or.



RIEN n’est trop bien pour les JO d’hiver. This is Norway.

Ton cœur battra pour ta partie norvégienne, petit Olav

Ceci n’est pas nouveau, les blonds sont très patriotes. Ça veut dire concrètement qu’on a eu le droit à nouvelle pluie de drapeaux dans l’euphorie de l’amour de la Norvège, avec mention spéciale mauvais goût pour certains restaurateurs :




Les Norvégiens se félicitent ainsi mutuellement des  médailles d’or décrochées par le pays. On pleure quand les (affreux méchants) Suédois gagnent, on va au passage allègrement charrier la collègue française quand 
Fourcade se fait piquer une nième médaille d’or au biathlon par Svendsen.. Bref, Vive la Norvège est le mot d’ordre des JO, d’ailleurs le roi a passé les deux semaines sur place, et l’hymne national norvégien commence par « Ouiiiiiii nous aimons ce pays » (sans blague??!!).

Star system

Dernier aspect rigolo des JO d’hiver en Norvège : tous les champions (et il y en a une flopée) sont des stars. Ils sont visibles dans tous les médias, ils sont interviewés en prime time, et même les aspects croustillants de leur vie privée intéressent et font vendre comme des petits pains les numéros de la presse people qui leur sont consacrés.

Briques de lait ou magasines de mode, ils sont sportifs et ils sont beaux !

D’ailleurs, le beau Martin Fourcade est une véritable star ici. On raconte qu’il viendrait s’installer à Oslo après les JO (on l’attend !), mais il ne va pas trop comprendre ce qui lui arrive quand il va débarquer, non pas seulement parce que tous les blonds vont l’appeler Martine (ca se prononce comme ça dans le nord de l’Europe) mais surtout parce qu’il est plus que jamais devenu une légende vivante en Norvège. Absolument tout le monde le connait.

Malgré tout, ces champions ont beau avoir des skis aux pieds, et ben ils ont les skis sur terre. Déjà , En Norvège, vous connaissez toujours quelqu’un qui connait quelqu’un qui est aux JO, donc ça donne un côté « guy next door » aux champions, mais en plus ils ont cette humilité scandinave qu’ils font qu’ils trouvent superflu de se la péter.

Vous voulez une preuve ? J’ai écrit un statut sur facebook pour féliciter Kjetil Jansrud de sa médaille d’or au Super G car on a un ami en commun ; et ben regardez ici qui a liké mon statut :


Bon la je vous l'écris calmement, mais sur le coup, je n’en POUVAIS PLUS J
Le bécot à tous


Martine

lundi 20 janvier 2014

Episode 47 : Hyttetur, pierre angulaire de la vie d'un blond

Chers tous,

Ce week-end, on a fait ce que beaucoup de Norvégiens font habituellement le week-end, on est partis à la hytte. En « hyttetur ».

Le hyttetur, c’est une des pierres angulaires de la vie norvégienne. La hytte est une sorte de chalet à la montagne ou à la mer ou au milieu de nulle part, mais en Norvège, tout ça se combine facilement. C’est souvent une résidence secondaire, mais ça peut aussi être une propriété du comité d’entreprise qu’on loue ou bien celle d’un oncle qu’on emprunte.

Une hytte, ça ressemble à ça

Ou à ça:

Ou encore à ça:

L’hiver pour skier, l’été pour pêcher et faire du bateau, la hytte, qu’elle est bien à utiliser toute l’année !

On est donc partis à 16h vendredi, et au boulot il y avait déjà plus personne dans l’open space. Car 16 heures, c’est tard pour se mettre en route vers la hytte.
On a quitté Oslo et on s’est élancé avec la voiture pleine comme un œuf sur la route qui mène vers toutes les hyttes. La E18. On n’était franchement pas les seuls sur la E18, et dans les bouchons, c’était facile de voir que les autres qui faisaient la queue allaient aussi à la hytte, car toutes les voitures avaient un coffre sur le toit plein de skis et de bâtons et de traineaux et de trucs qu’on utilise en hyttetur l'hiver.

Ce pays est très grand et tout vide, mais les Norvégiens ont le chic pour se retrouver tous en même temps sur la même route, et donc ça fait des embouteillages, surtout que la plupart des routes principales en Norvège ressemblent à la route qui monte à l’Alpe d’Huez. Des virages et de la pente.

Il neigeait et neigeait, il faisait nuit, et le thermomètre de la voiture indiquait des températures de plus en plus basses à chaque dizaine de bornes franchie. Mais, pas décence pour mes amis, j’ai évité de prendre une photo du tableau de bord de la voiture et de la mettre sur facebook avec un statut minable à la « -13 ! grrrr ».

Sur le bord de la route, des maisons magnifiques, rouges foncées ou blanches avec des toits recouverts d’une couche homogène et immaculée de neige.  Avec des petites lumières et tout.

J’avais l’impression d’avoir retrouvé mon cœur d’enfant en voyant ça, surtout quand le Père Noël a frappé au carreau de la voiture ! Mais en fait c’était un local qui aidait à la circulation et dont la tête avait été recouverte de neige à force d’être dehors des heures.  

Et puis on est arrivé, enfin. Comme on était en Norvège, on s’est quand même demandé si on avait le droit de se garer là, alors qu’il y a de la place partout.

Ensuite, il a fallu creuser la neige pour arriver à la porte de la hytte.

Vue de la route

Vue de la porte de la maison, ah merde, j'ai oublié un truc dans la voiture, à qui le tour pour le bain de neige ?

Il fallait faire un code pour ouvrir la porte de la hytte, et le code était sur internet. Ça c’est la beauté d’un pays de gentils, que je me suis encore dit.

Les parents de Bjørn Håkon avaient fait des courses pour le week-end, mais il y avait de la bouffe pour trois semaines. Mais quand on voyait que la neige arrivait jusqu’en haut des fenêtres de la hytte, je me suis dit qu’on savait pas combien on resterait, après tout. Always trust the locals, qu’ils disaient.

Quand on est déjà allé en hyttetur, le premier réflexe de quelqu’un qui a grandi en ville, c’est de s’assurer qu’il y a des toilettes, une douche et de l’électricité. Oui car ce pays richissime über-like se foutre dans des situations précaires le weekend, juste pour le trip « back to basics ». Et je peux comprendre ! Quel bonheur de pisser dehors quand on s’enfonce jusque-là dans la neige !

Mais puisque je te dis que personne peut te voir d'ici !

Le samedi matin, la neige avait presque enseveli la maison.

Ca vous embête si on ouvre pas la fenetre de la chambre cette nuit?


Les Norvégiens ont un taux de bien-être corrélé à la quantité de neige en hiver, alors je peux vous dire que c’était bonne ambiance au petit dèj.

Apres le petit dej on s’est préparé pour le skitur. Tour en ski de fond quoi. Là commencent les discussions cruciales sur le fartage des skis, et ça rigole pas.

 Boîte de 80 crayolas version nordique

Enfin si, ca rigole quand meme un peu, surtout quand les chaises du salon du XIX ème siecle s'avèrent être d'une toute nouvelle utilité 

On s’est promenés des heures sous la neige dans des paysages magnifiques (les photos ne sont pas prises en noir et blanc !)



Dans la quiétude et la beauté des paysages, on voit des choses un peu loufoques, des gens qui font des feux au bord de la piste et grillent des saucisses, d’autres qui se font tracter en ski par leur clébard, des petits aux cheveux platines, aux grands yeux bleus et aux joues rouges qui s’étalent dans la poudreuse à chaque virage en riant. Une belle publicité pour la Norvège, majestueuse et sans soucis.

Quand on rentre à la hytte à 16h30 et qu’il fait nuit, et on se douche et on passe à table à 18 heures. Moi qui n’ai jamais rien contre l’idée de manger, je me rends compte que je me suis bien habituée à ce rythme.
La soirée au coin du feu alterne ensuite sauna et jeux de société qui datent d’avant la construction de la hytte, sachant que tout le monde est au lit tôt. 4 heures sous la neige quand il fait -15 ca fatigue un peu, il parait.

Le dimanche était une copie de la veille, sauf qu’il a fallu vider le frigo et s’étendre dans le livre d’or de la hytte de location en expliquant comme on était content et comme on avait passé un bon moment en famille. Oui, c’est très norvégien cette forme de romantisme idyllique envers son propre pays.

Le lundi au travail, mon chef me racontait qu’il était aussi en famille à la hytte, et que comme sa fille ainée commençait à être à l’aise en ski de fond, elle allait bientôt avoir le droit de commencer le ski de piste. Le ski alpin est perçu comme une récompense après l’effort d’avoir appris le ski de fond chez les blonds. Comme dans ma tête d’allergique au ski, cette histoire a résonné comme une sale affaire de double peine, j’ai hésité à lui avoué que j’avais passe tout le week-end en raquettes.

Le bécot à tous,


Martine