lundi 16 septembre 2013

Episode 43: Norvisage : la démocratie au goût saumon

Norvisage

En ces dimanche 8 et lundi 9 septembre 2013, les Norvégiens ont élu leur nouveau parlement, qui va désigner lui-même un nouveau gouvernement

Introduction à la démocratie norvégienne, entre transparence des partis, mesure des campagnes, pudeur des électeurs et participation maximale.

Quels débats ? Quelles questions ?

Au risque de décevoir les clichés, les débats politiques en Norvège ne tournent pas autour de « Comment promouvoir le steak d’élan dans les cantines scolaires ? » ni « Plus de jour au-delà du cercle polaire en hiver ! ».
Malgré ses aspects parfaitement singuliers de cohabitation entre traditions ancestrales et modernité 3.0, combinés à la manne pétrolière dont les compteurs tournent toujours à vitesse éclair, la société norvégienne s’inquiète, comme ses voisins européens, de santé, de marché du travail, d’éducation et de logement.

(ndlr. Bon, je reconnais, il y a aussi eu en parallèle les vives discussions sur la candidature d’Oslo aux JO d’hiver de 2022, qui sont empruntes de thèmes chers à mes copains les blonds, et parfaitement détachées de toute considération normale. Si on a les jeux, où seront les épreuves de saut à ski ? Et le slalom géant ? C’est dégueulasse, c’est encore Lillehammer qui aura le bobsleigh !)

Des vrais faux problèmes ?

Regarder les débats politiques norvégiens avec des lunettes de français est toutefois tout aussi passionnant qu’interloquant. Chère Norvège, as-tu vraiment des problèmes ?

Que fera-t-on dans 50 ans quand les ressources du pétrole commenceront à diminuer ? Et comment payer les retraites dans 150 ans ? (Ah ! Flash info : on vient de trouver un nouveau gisement de pétrole en mer de Norvège ! Je corrige ma question, comment fera-t-on dans 200 ans avec les retraites ?). Pour information, l’âge légal de départ à la retraite en Norvège est 67 ans…

Dans une ambiance de crise en Europe, c’est un peu comme si Scarlett Johansson venait vous dire qu’elle se trouve grosse et moche alors que vous venez de finir le paquet de Pépitos en pyjama devant la télé.

Comment intégrer une immigration croissante dans un pays sans criminalité ou presque, sans chômage, sans passé compliqué avec les pays d’origine des migrants, avec une école qui intègre tout le monde, et un état qui soutient financièrement 100% des étudiants à taux zéro ?

La démocratie c’est TOUT remettre en question

Pourtant, les politiciens norvégiens ont cela d’admirable qu’aucun n’hésite à tout remettre en question.

Jens Stoltenberg lui-même, premier ministre norvégien du parti travailliste au pouvoir depuis huit ans est venu dans les usines Carlsberg dans le cadre de sa campagne électorale. Bien qu’il soit un chouchou de l’électorat, il a attaqué son discours en demandant ce qu’on peut faire de plus, de mieux, de différemment.

(Mais je sais ce que tu peux changer Jens, bordel ! Comment c’est possible que les fenêtres qui ferment mal soient légales en hiver dans ce pays ? Et promets-nous d’importer de la bouffe mangeable bon sang !)

Certains ont même osé: si nous sommes au gouvernement, nous arrêtons l’exploitation du pétrole demain et passons à une énergie verte - et il n y a pas que les écolos qui ont mis l’avenir de la planète en tête de leur programme. Cette idée n’est toutefois pas très populaire, quand elle est (facilement) contrée par tous ceux qui affirment que le trésor pétrolier sert à construire des hôpitaux, des écoles, financer des congés parentaux interminables, investir dans la recherche et le développement de nouvelles industries pour l’avenir du pays…

Prix Nobel de la Paix ? Transparence et retenue

La transparence et la mesure semblaient par ailleurs être d’aloi dans la campagne norvégienne.

La campagne électorale a une date de lancement officielle que tout le monde respecte, et se déroule dans le calme - pas de braillement dans les rues, pas de tracts par terre, de la tenue enfin, presque même de la discrétion.

Le parti travailliste fait campagne avec un syndicat ? Et bien ce n’est pas un secret de polichinelle, bien au contraire, on s’en sert comme argument pour convaincre. Rien n’est caché donc, jusqu’aux factures de portable des politiciens. Le ministre de l’économie s’est lâché sur facebook lors d’un voyage en Inde il y a 6 mois, et a fait exploser sa facture de téléphone. C’est ça qui a fait scandale cette semaine-là… (Autant vous dire que quand les français racontent à Bjørn Håkon DSK, les 3 femmes de Sarko, la fille cachée de Mitterrand et on en passe, il les regarde avec des yeux ronds comme des billes.)

Même dans les programmes des partis d’extrêmes, une relative mesure semble de mise, ce qui donne l’impression avec des yeux de français d’une foutue accumulation de partis de centristes.
Mieux, on lève la main pendant le débat.





Ca manquerait presque d’un peu de fight, mais le poids de la colombe de la paix pèse sur le petit pays du plus noble des prix Nobel.

Une blonde ou une blonde, en tous cas une femme !

Autre point important de la campagne : parmi les 9 plus gros partis norvégiens, 5 ont une femme à leur tête. On reconnait bien là la vision de la société à la sauce scandinave. Formidable, je dis.

Ce qui est amusant, c’est qu’elles sont toutes blondes avec les cheveux courts, et qu’en voyant cette galerie de portraits, on se rend compte qu’Eva Joly est bien une femme politique norvégienne !



Ah oui, et si vous ne vous y retrouvez pas très bien, j’ai oublié de vous préciser que parmi ces femmes il y a deux candidates de droite et deux de gauche mais qu’en Norvège une partie de la gauche est à droite. Fastoche…


Tu votes, un point c’est tout

Il est possible en Norvège de voter à l’avance, dans des bureaux des votes ouverts tous les jours des semaines avant l’élection, on peut aussi voter sur internet, et les élections ont lieu à la fois le dimanche et le lundi. Pas de bonne excuse à l’abstention, donc.

« Certaines communes de Norvège ont tellement peu d’habitants que si tout le monde ne vote pas il y a plus de candidats que d’électeurs et on sait encore plus facilement qui a voté quoi. » me disait amusé, un collègue. « Allez Mamie, connecte toi sur internet et vote, histoire de brouiller les pistes dans la charmante bourgade de Mo i Rana. »

Oui, car en Norvège, on ne dit surtout pas pour qui on vote. Rien à la cantine au boulot, rien sur facebook, rien dans les déjeuners familiaux, Chut !

Quelle gagnante finalement ?

Erna Solberg semble être la femme de droite qui va reprendre la main sur le gouvernement norvégien. La coalition de droite est en formation, et malgré mon amour à peine dissimulé pour Jens Stoltenberg, Erna semble avoir une tête bien faite et mon cœur de féministe est aussi bien content qu’on fasse de la place aux bonnes femmes.

La définition du conservatisme norvégien est par ailleurs à prendre avec nuance : coalition de droite conservatrice ou pas, je peux vous assurer que vous avez plus de chances de vous faire dégager de ce pays si vous affichez une préférence pour la Suède ou pire que vous refusez d’exploser de joie quand on dit ski de fond que si vous êtes immigré.

Le bécot à tous

Martine