lundi 24 juin 2013

Episode 40

Chers tous,

Savez-vous quel est le point commun entre Laure Manaudou, Jason Lamy-Chapuis, Rafael Nadal, Petter Northug, Yoann Gourcuff et Usain Bolt ? Ils sont tous nés en 1986.
Et Bjørn-Håkon aussi. C’est ainsi qu’un matin, en se rasant, il s’est dit «  Mais moi aussi, je suis né en 1986 ! Il faut que je fasse un truc de champion un de ces quatre ! Jamais les océans n’oublieront mon prénom non plus ! »,  qu’il s’est dit, en ajoutant « bordel de merde » ! Nan, je rigole, il ne s’est pas littéralement dit ça, il ne parle quand même pas français comme ça. Il s’est plutôt dit « faut pas exagérer, bordel à merde ! »
C’est ainsi qu’avec sa sœur et son père, ils ont décidé de traverser le Groenland à ski.
En France, le genre de réactions classiques à cette histoire de Groenland est du type : « Quoi ?? Le Groenland à ski ? Mais comment ça ? » Alors que si vous dites exactement la même chose a des Norvégiens, ils vous diront «  Ah, c’est énorme, j’ai une cousine qui l’a fait en solitaire en snowkite l’année dernière » (et là, c’est vous qui dites « Quoi ?? En snowkite ? Mais comment ça ? »)
Puisque mon audience est plutôt française, il faut bien le dire, voilà le topo : tu traverses le Groenland à ski avec un traineau qui fait littéralement le poids d’un poney où tu mets ton sac de couchage, ta bouffe et le reste (liste à la Prévert non dénuée d’intérêt, incluant par exemple des batteries solaires pour recharger le téléphone satellite, une carabine pour les ours ou encore un outil qui n’a pas de nom en français pour creuser des trous dans la glace et accrocher la tente au glacier.)

C’est tout aussi magnifique que terrifiant car, ce que ne raconte pas cette photo, c’est que les températures descendent bas, très très bas, genre dans les -40 et qu’ils ont eu beaucoup de mauvais temps. (Pour la petite histoire, Bjørn-Håkon est de retour de son aventure depuis un mois, et ses ongles de pieds tombent un par un, en même temps qu’il a le visage un peu brûlé par le froid. Mais c’est un style !)
Ma contribution à tout ça a été, vous l’imaginez bien, limitée au domaine culinaire. J’adorerais vous faire croire que j’ai piloté la préparation sportive du voyage, mais je pense que le jour où on me voit attendre l’ascenseur pour monter 2 étages, on arrête vite d’avaler mes carabistouilles. J’ai donc fait des trucs à bouffer, je sais même pas comment ça s’appelle :
·         Tu mixes dix sortes de graines et de noix différentes
·         Tu rajoutes de la poudre de coco
·         Tu fais fondre un kg de graisse, un kg de beurre et 3 pots de miels (lovely…et tu ruines une casserole)
·         Tu rajoutes 2kg de farine
·         Tu mélanges tout et tu laisses sécher
Ca fait une sorte de scone géant, un pavé à la pointe de l’optimal en terme de rapport calories / poids à se taper dans le traineau = 4000 calories par kg… en même temps, ils en ont brûlé entre 10 000 et 12 000 par jour, donc c’était de la gnognotte.
J’ai testé : deux bouchées suffisent pour ne plus avoir besoin de faire la grosse commission pendant une semaine. Ils vont pas laisser de traces que j’ai pensé, putain de moyen de faire de l’écotourisme.

Pendant les trois semaines qu’ont duré cette folle aventure, nous regardions à tout instant sur le GPS où ils étaient. Un petit point bleu dans une immensité blanche s’updatait tous les quarts d’heure. « Oh regarde ! Ils font une pause. Oh regarde ! Ils avancent vraiment très lentement. Que dit la météo ? Vitesse du vent 30mètres par seconde, température ressentie -55 degrés C)… on en perdait un peu des cheveux.
Le pire est qu’on ne savait pas la moitié de ce qu’ils faisaient… et que la lecture de leur journal de bord à leur retour m’a, on peut le dire, glacée. « Cette nuit je n’ai pas dormi. Le froid extrême me donnait des spasmes et de la fièvre, et je transpirais alors qu’il faisait -37 dans la tente. » ou encore « Nous sommes coincés depuis 2 jours dans la tempête. La neige qui s’accumule écrase petit à petit sur nous la tente que le vent manque d’arracher à chaque instant. Nous nous décidons finalement à sortir de la tente pour bâtir un mur de glace et nous protéger du vent. Notre téléphone satellite n’a plus de batterie ».)
Eux, à l’inverse, ne savaient pas que la une des journaux norvégiens racontait qu’un Anglais avait été trouvé mort de froid à quelques dizaines de kilomètres d’eux.
Bienheureux les ignorants qu’ils disaient !
Mais ils sont revenus. Amaigris et heureux.
La maman de Bjørn-Håkon, qui ne faisait pas partie de l’équipe, est celle d’entre eux qui a perdu le plus de poids. Elle s’est fait un tout petit peu de souci, je crois. Moi, j’ai simplement vidé les stocks de petits bougies des chapelles et des églises qui tombaient sous ma main en demandant à Marie de me ramener mes trois Norvégiens autrement qu’en surgelés Picard.
(J’arrête là le blabla et vous laisse profiter de cet album magnifique… et authentique J (et merci à Bjø, Kristin et Jørn de me laisser montrer les photos !)
Le bécot à tous,

Martine