mercredi 27 novembre 2013

Episode 45 : Grutt, la meilleur boutade norvégienne

Chers tous,

Une fois n’est pas coutume, je commence ce nouvel épisode par un coming out tout à fait personnel. En Norvège, je suis une comique. Oui, je fais du stand up, de l’humour, de la plaisanterie. Quelques soirs par mois, je raconte des conneries dans un micro, en somme.

Cette double vie n’étant qu’un secret de polichinelle pour la plupart de mes amis français, vous trouverez ci-dessous une série de FAQ (Frequently asked questions, quoi !) auxquelles je suis parfois amenée à répondre.

De quoi rient les blonds ?

Et bien les blonds ne sont pas politiquement corrects du tout, figurez-vous. Ils ont pas froid au plat et adorent mettre les pieds dans les yeux. Et vas-y que je trash sur tous les sujets qui fâchent, même si certaines boutades peuvent laisser de glace. C’est pas la glace qui leur fait peur de toute façon.

Après tant d’épisodes de Martine, j’imagine en outre que vous serez moyennement surpris d’entendre qu’en Norvège, on aime surtout bien se moquer des Suédois.
Fusent donc régulièrement des blagues gratos mais bien méritées pour cet horrible pays d’armoires en kit, de métrosexuels, et de juments qui font trop d’UV. Mais pas du tout que les Norvégiens ont fini par m’influencer avec le temps putain pour les pauvres suédois dans le public. Les Suédois étant considérés comme le « cheap labour » de la Norvège, et ayant, entre autres, noyauté le milieu de la restauration, une classique est la suivante « Vous êtes tous suédois au premier rang ? OK donc le resto d’en face est fermé ». Les norvégiens jubilent. Il en faut peu pour être heureux.



Et toi, tu racontes quoi ?

Ça n’a pas été très facile d’écrire des textes qui fassent marrer les blonds. Par exemple, cette blague «Crache pas par terre, avec le froid qu’il fait, ça va rester sur le trottoir jusqu’à Pâques» ne les fait pas marrer, c’est du bon sens.

En revanche, «En France, on ne trouve pas normal que le métro soit bloqué à causé d’un élan sur les voies» (ndlr. ça arrive vraiment), ça les faisait bidonner, ou encore la classique «Je suis contente qu’il ne neige pas encore» les amuse tellement que souvent ils applaudissent. Ils sont mythiques ces immigrés quand même, qu’ils se disent.

Du stand up ? Et tu fais ça dans quelle langue ?

Et bien en norvégien. Mais j’ai souvent une phrase ou deux en suédois, car, après tout, moi aussi je trouve ça mérité mérité mérité marrant de me moquer des Suédois.

Allez, en voilà une bonne car je sais que vous aussi, vous aimez bien rigoler.
https://www.youtube.com/watch?v=0ILG1O7g8Do


Le truc injuste, c’est les anglo-saxons qui débarquent sur les scènes de stand up à Oslo et font des trucs super en anglais, ce qui ne pose aucun problème car mes copains les blonds parlent fluently you know. Et vas-y que je te cale des Oh My God et des well,you know what I mean avec un clin d’œil qui cartonnent.

Alors que ces abrutis de Norvégiens ne comprennent même pas «Il est mignon Monsieur Pignon» en français dans le texte. Monde de merde, comme dirait Abitbol, ils savent pas à côté de quoi ils passent.

Tu fais ça avec qui ?

La Norvège étant un petit monde, je me suis plusieurs fois retrouvée programmée dans la première partie des personnes qui font de la télé. Les moments de solitude, c’est quand en back stage (et ça, c’est du vécu) je retourne la question « Tu as déjà fait beaucoup de stand up ? je t’ai jamais vue ?» à un type qui a fait 15 ans de télé et qui est méga connu et que j’en avais aucune idée.

Quel genre de public as-tu ?

En quelques années, j’ai coché pas mal de cases.

Il y a eu mes potes bien sûr, mais aussi leurs potes, mes collègues, mon patron, les parents, la sœur et les cousines de Bjørn-Håkon, mon dentiste (qui est aussi mon patron, c'est un petit pays je vous dis).
Il y a eu aussi

• le public des scènes de stand up du quartier est d’Oslo à qui l’on a droit de tout raconter, depuis des considérations existentielles jusqu’à Fort Boyard, largement connu en Norvège aussi…

• les étudiants bourrés à 18 heures, qui rient à des blagues plus cheap tu meurs. Je disais bip bip ils kiffaient. Un de mes meilleurs moments à la et quand il pète il troue son slip.

• Le groupe d’intellos qui rient en octave piano piano à mes blagues sur les différences sociétales France / Norvège et leurs retombées économiques dans la seconde moitié du XX ème siècle (en alexandrins), mais à qui Fort Boyard échappe complètement

• Le mec du public qui veut absolument parler français dans le micro et monte sur scène pour s’imposer (oui il était dans le groupe des étudiants bourrés)

• mon pote français de passage à Oslo qui filme et rigole à contre temps. Il comprend rien, mais une des meufs au premier rang a un sacré rire de gourdasse

• la palme de la palme : la fête des 60 ans d’une association de chasse et pêche au milieu de nulle part, avec que des vieux croutons a moustaches que j’ai fait rire jusqu’à se filer des torgnoles sur les cuisseaux en racontant que je savais pas la différence entre un renne et un élan quand j’ai emménagé en Norvège

Les gens te reconnaissent-ils dans la rue ?

I wish ! Face it, personne ne m’a jamais posé cette question en fait. En revanche, et c’est véridique, à mon dernier show , une fille du public m’a dit après le spectacle : « Pendant tout ton speach, je me suis demandée ou je t’avais déjà vue. Mais je me souviens maintenant, c’était en boite, tu t’étais étalée la gueule dans les escaliers devant tout le monde.» Par-fait.

Le bécot,


Martine