mercredi 29 février 2012

Episode 21

Mardi, 20 décembre 2011,

Chers tous,

Ouhlala, nous voilà dans la dernière ligne droite avant Noël…
Comme avant Noël, tout le monde est pressé, fatigué, et dans le rush, je n'ai pas trop le temps de vous écrire des longues phrases.
Alors, dans la course aux to-do lists du boulot, des cadeaux, du coiffeur, du saumon fumé et de la to-do list de to-do list… je vous fais vite un résume de mon dernier mois ici en bullets points, comme un mail de consultant.
Et d'ailleurs, ça tombe bien car en France, je crois que c'est bientôt Noël aussi, et vous non plus, vous n'avez pas le temps, pas le temps…

En Norvège, le mois de décembre, c'est ça :

·        Au début du mois, se dire : "Chouette, c'est bientôt Noël !"
·        Recevoir un mail d’amazon.fr « Cécile, plus que 4 semaines avant Noël !" avec, dans la section personnalisée :« Pour vous, nous avons sélectionné » des jeux de combat sur Playstation et du matériel de pêche. Parfait, c'est tout moi.
·        Ouvrir une première bière de Noël (juleøl), ce type de bières scandinaves de saison, sombres et fortes, et la déguster avec plaisir
·        Découvrir, un peu sciée, que les collègues du marketing ont décidé de concevoir un calendrier de l’avent géant, avec une bouteille de juleøl par numéro
·        Etre la première à être tirée au sort pour aller chercher une bouteille dans le calendrier, et trouver ça vachement fun
·        Se faire offrir des montagnes de pepperkake par ses collègues. (Les pepperkake, c'est quoi? Ca veut dire gâteau au poivre. Heureusement pour les Scandinaves qui ont déjà leur dose de trucs bizarres, en fait, c'est des gâteux à la cannelle)
·        Se dire que les pepperkake c'est bon, mais bon, c'est quand même vraiment pas top
·        Boire du vin chaud (gløgg en norvégien dans le texte, le mot le plus rigolo du monde) pour faire passer le goût des pepperkake
·        Recevoir un calendrier de l'avent commercial bourré de chocolats écœurants, histoire de bien désacraliser Noël, comme s'il manquait que ça
·        Se faire inviter à une réunion au boulot pour gouter 15 bières de Noël à 8h le matin. Commencer par remplir la grille de notation de chaque bière sérieusement. Au bout de la 4ème, se dire qu'il fait vachement chaud. Glousser seule après la numéro 7 dès qu' un scandinave ouvre la bouche. Renverser la 10ème sur la grille soigneusement remplie jusqu'ici sans faire exprès. Remplir les 5 dernières complètement au pif
·        Cuver en cachette devant son ordi, rougeaude, après la réunion des tests de bières de Noël
·        Pour ne pas dormir, décider de consulter la presse en ligne. Lire en louchant les infos en France, et comprendre que Gad Elmaleh a choppé la myopathie
·        Manger des bolle (prononcer bolleuh), brioche intemporelle blindée de calories typiquement norvégienne 2 fois par jour, parce qu'il faut manger quand il fait froid, qu'ils vous disent
·        Recevoir du gløgg par son n+2 déguisé en père Noël un matin
·        Découvrir le premier dimanche de décembre avec délectation que Miss France 2012 est alsacienne
·        Tenter de faire du gløgg à la maison avec des potes. S'apercevoir que les potes sont potaches et qu'ils ont mis une bonne lampée de vodkas dedans
·        Se dire qu'on n'a a peine décuvé depuis les tests de bières de Noël et manger des pepperkake pour faire passer le goût
·        Envoyer un mail à l'ambassade de France pour, cette année, être invitée au pot de Noël de l'ambassââââââde. (Hésiter à demander en PS s'il y aura des Ferrero Rocher puis se dire que c'est vraiment nul, comme blague)
·        Recevoir un texto d'un pote en France "Putain Moroni, miss France 2012 est rousse!"
·        Se faire regarder avec des yeux ronds comme des billes quand on explique qu'on ne fête pas Sainte Lucie en France
·        Ecouter des gamins de tous âges habillés en blanc pour la Ste Lucie chanter des chants à la con en norvégien
·        Rêvasser sur son téléphone pendant les chants et effacer 4 mails reçus entre temps d’Amazon.fr « Cécile, plus que 3 semaines avant Noël ! »,  « Cécile, plus que 2 semaines avant Noël ! », « Cécile, plus que 10 jours avant Noël ! »,
·        Se sentir obligé de s'extasier devant la chorale des maternelles et se rendre compte que c'était très con d'applaudir quand les mioches reprennent leur chant depuis le début
·        Accepter par politesse une bolleuh de la Ste Lucie (verte pour l'occasion, bourrée de safran qu'ils m'ont dit) et se dire que les chocolats du calendrier pourraient avoir une médaille tellement ils sont bons en fait
·        Aller boire des bières de Noël avec les copains français et se rendre compte qu'ils étaient tous il y a 2 jours tous au pot de Noël de l'ambassade
·        Terminer toutes les bières de Noël du bar et renvoyer un mail à l'ambassade avec les yeux un peu "embués" :"C'est vraiment nawak ta mère, je rêve, TA VU !! C'est quoi cette sélection des expats ??  Franchment vous abus€s ! C******* !"
·        Regretter le deuxième mail à l'ambassade
·        Bouffer des pepperkake pour se remonter le moral
·        Aller à la soirée de Noël de l'entreprise (julebord = table de Noël)
·        Passer à table dans la nuit et la neige à 17h avec ses collègues, et avoir l'impression, en les regardant se jeter sur la boisson et le buffet, d’être dans un banquet d’Astérix
·        Ecouter les premiers toasts des collègues d'une oreille distraite, en se disant, la vache, n'empêche, c'est quand même moche pour ce pauvre Gad Elmaleh
·        Continuer le banquet, et les toasts
·        Ecouter consternée une autre collègue balancer, après avoir terminé toutes les bouteilles de vin pétillant planquées dans la neige "Vous voyez ce mec dans le département finance??Et ben je couche avec lui hahaha !"
·        Laisser une collègue dans les effluves d’alcool s'enliser dans son toast et avaler de travers en l'entendant conclure « Et d’ailleurs, haha, je n'ai pas de culotte"
·        Raconter ça aux autres français arrivés en Norvège depuis longtemps et les entendre dire, pas surpris du tout : « Ah ! Mais c est normal c est les julebord, aux julebord tout est permis, tout le monde fait n'importe quoi ! »
·        Le lendemain, regarder comme si de rien était, mans non moins consternée, les photos du petit enfant de 2 ans sur le téléphone de ladite collègue qui n’avait pas de culotte la veille
·        Faire semblant, au bout du 14ème, de toujours trouver rigolo le tirage quotidien du collègue qui a le droit à une bouteille dans le calendrier de l'Avent
·        Le soir, recevoir un texto de Bjør-Håkon depuis sa julebord "E h hé. Z z deuxjp"
·        Se réveiller un matin en se disant « Merde, Noël, c'est dans une semaine j'aurais dû penser à aller regarder sur amazon.fr... »
·        Rentrer le soir en croisant des mecs qui rentrent d'une julebord et avoir l'impression qu'on va se faire écrabouiller sur le trottoir par une mêlée de grands blonds éméchés
·        Se foutre au chaud dans le canap' et manger des pepperkake pour évacuer la frayeur
·        Stresser pour les cadeaux, en parler a une collègue un midi pour l'entendre répondre que cette année elle a tout bouclé le 15 novembre, ouf, ouhlala ! S'imaginer en train d'enfoncer des pepperkake dans les trous de nez de la collègue
·        Ouvrir une juleøl pour oublier, et se dire qu'après tout, il est temps que Noël arrive…


Le bécot à tous, et un très joyeux Noël !

Martine


lundi 20 février 2012

Episode 20

Mardi, 29 Novembre 2011

Chers tous,

En Norvège, la météo n'est pas un sujet pour boucher les conversations. En Norvège, la météo est un vrai sujet d'intérêt, un aspect important de la vie. Faut dire que quand tu vas au travail par -17, t'as quand même besoin de parler un peu du traumatisme d'avoir loupé ton bus. Fine, je ne peux que comprendre. Mais les mecs ici ont une approche carrément technique de la météo.
Rien que dans la langue norvégienne, il y a des centaines de mots pour décrire la neige, sa texture, sa couleur (mais les mecs, vous partez sérieux en vrille, la neige c'est blanc, fin de la discussion). Les Norvégiens sont capables de vous expliquer les conditions météorologiques avec un max de précisions (façon dont la neige est tombée, température au sol, dans l'air, est-ce que la neige colle ou pas, dans quelle direction pisser dedans et tout le tutti), et même de se rappeler quelle température il faisait le même jour en 2003 (qui d'ailleurs était une plus belle journée que le même jour en 1997).
Et pour eux, c'est crucial, car la météo détermine :

1. Comment s'habiller en fonction du temps qu'il fait. Si je voulais être cynique, je vous raconterais bien que les Norvégiens ont une culture de l'auto-persuasion qui est admirable. Enfin, avec le temps pourri qu'ils se tapent, vaut mieux quelque part. Les Norvégiens répètent en effet qu'"il n y a pas de mauvais temps, mais que des mauvais vêtements". Sure. Du coup, ils ont tous une connaissance super technique des fringues à avoir par tel ou tel temps, compétence que (heureusement ?) le parisien moyen ne développe pas particulièrement.
Le gore tex ultra technique-je- ne-sais-pas-quoi garde mieux la chaleur du corps quand tu mets de l'acrylique 90% dessus et que tu te couvres en priorité le haut du dos. Tain heureusement qu'on pense pas comme ça avant de monter dans la ligne 13 le matin en même temps.
2. - en combien de temps tes valseuses vont se transformer en bonhomme de neige
2. - comment farter les skis, bien sûr. Il y a des tas de fartage différents au choix selon le temps, l'humidité, la température de la neige & co. Il y a même des poudres magiques qui coûtent plus que la coke au gramme (qu'on m'a dit), pour mettre sous tes skis et améliorer tes performances.
                       
Tout ça, j'ai commencé à le découvrir l'année dernière, à la fois impressionnée par les mètres de neige sur les trottoirs, mais aussi un peu sceptique vis-à-vis de certaines certitudes des norvégiens au sujet de la météo. Après avoir entendu un certain nombre de fois :
"Heureusement que la neige est pas noire, sinon il ferait encore plus sombre l'hiver ! Comme elle est blanche, elle reflète bien la lumière.", j'avais une sacrée envie de leur dire que c'était bien beau de bullshiter comme ça, mais que bon, fallait pas pousser mémé dans les orties polaires.

Pourtant cette année, pas de neige, et j ai encore plus l'impression de vivre dans la nuit. Merde, mais ils avaient raison, ces cinglés de nordiques ! Je vous jure, aujourd'hui il a fait nuit à 13h.
Cette année, il fait pas chaud, pas froid, Il pleut pas, et il fait pas beau non plus. La ville est dans la nuit de 16h a 9h et dans un état entre jour et nuit de 9h a 16h.
Surtout, il ne se passe rien de marrant : personne qui se croûte sur les trottoirs, personne qui vient pas au travail pour cause de vautrage sur verglas en vélo, personne avec des skis dans le métro, et aucun collègue croqué par un ours blanc en sortant de soirée. Merde alors.

Moi au final, je suis bien contente qu'il ne neige pas déjà. On va pas se mentir, j ai grandi à Courbevoie, pas à Toronto, donc les hivers d'esquimau c'est plus joli à la télé qu'autre chose. J ai plus connu les flocons de neige dans du papier A4 plié en 4, découpé en formes géométriques puis collé à la fenêtre de la classe de CE1 que dans mes trous de nez jusqu'à Pacques.
Donc, ça me va très bien de ne pas encore être condamnée à aller bosser en après skis fluo. Mais je ne le dis pas trop car ici, car si tu dis que tu n'aimes pas la neige tu te prends une mandale direct. C'est une hérésie de pas te réjouir a l'idée de quelques tonnes de glace dans ta face.

La seule personne qui me comprend, c est Alf. Alf, c'est mon plus vieil ami ici.

Alf parle lentement, et entend mal.
Alf est un très vieux norvégien de Trondheim, qui vit dans une jolie maison de retraite à Oslo.
Alf a 87 ans, et m'a claironné qu'on avait donc exactement 40 ans d'écart. (Donc bon, j'espère qu'Alf ne voit pas très bien non plus.)

Alf a deux talents.
Le premier est caché. Comme Alf est seul et entend mal, il y a toujours de la musique chez lui, fort, dans chaque pièce. Comme Alf est un vrai mélomane, il a des piles d'excellents de jazz et de blues. Une radio dans la cuisine, une autre dans la salle de bain, un lecteur de CD dans la chambre, dans le salon etc.. Parfois, quand j'arrive chez Alf, il mixe à son insu Britney Spears et Billy Halliway, et le résultat n'a rien à envier aux tubes des DJ d'Ibiza.
Comme j'ai dit à Alf que moi aussi, j'aimais la musique, il me demande pendant de longues heures de jouer les airs qu'il préfère, et même de chanter.

Parfois, du coup, je lui chantonne du jazz, et la compétition est rude avec Rihanna dans la cuisine qui me crit nanana COME ON et la météo de la salle de bain en norvegien avec un présentateur qui semble tout d'un coup avoir un coffre de ténor. (j'ai souvent envie d'abandonner mon jazz pour vociférer à la cuisine "C'est à babord, qu'on chante qu'on chante !" mais ca serait peut-être un peu hors sujet)
Bref, chez Alf, c'est ambiance assurée et l'entrée est gratuite.

Par ailleurs, Alf était champion de saut à ski. Maintenant, il se déplace plié sur son déambulateur, et quelque part tant mieux qu'il soit toujours penché parce qu'il fait au moins 2 mètres et que sinon il ne passerait pas les portes. Je déconne pas, j ai jamais vu un vieux aussi grand.
Mais Alf continue de faire du sport. Alf fait des flexions, comme ça, il est pour quelques secondes à ma taille.
Alf a des côtés so norwegian : c'est un très vieux monsieur, qui, quand on lui hurle "Qu'as-tu fait aujourd'hui, Alf?" répond avec un air de trouver la question bien triviale "Et bien j'ai fait du sport voyons !!"
C'est bien pour ça qu'Alf me comprend, parce que s'il neige, il ne pourra plus aller à on entrainement de sport 12 fois par semaine.

Le bécot à tous,

Il est 17h, il fait nuit depuis 4 heures, je vais au lit.

Martine

lundi 13 février 2012

Episode 19

Lundi, 7 Novembre 2011,

Chers tous,

A l'heure où j'écris ces lignes, je suis camouflée dans ma cave, je porte des lunettes et une fausse moustache. Je tape sur mon clavier avec des gants. (pas top top pratique, mais on ne sait jamais). Personne ne doit jamais découvrir qui a écrit ces lignes, car je suis sur le point de vous parler de choses interdites.

Je souhaiterais vous parler d'alcool.
Je vous l'épelle plutôt : Aplha, Lima, Charlie, Oscar, Oscar, Lima
Vous avez compris. Pour plus de commodité, je remplacerai ce mot verbotten par le nom de code "lapin".

Ici, le lapin est très fortement prohibé.
Non seulement, le lapin est taxé, dans des proportions déconnantes. Mais en plus, si un produit contient du lapin à un degré supérieur à 4,7%, il ne peut être vendu en supermarché. (Mais bon, en Suède, c'est 3,7% la limite, nananère !). C'est alors l'Etat, qui a le monopole de la distribution des produits contenant beaucoup de lapin, qui se charge de sa vente, dans des magasins rutilants, mais fermant tôt, et où tout coûte les yeux de la tête. Le lapin est en prison !!!

Comment en est-on arrivé là?
  1. A l'époque des Vikings, il fallait boire du lapin lors de prises de décisions politiques ou économiques, conjugales, extraconjugales, thermiques et transatlantiques. De plus, boire du lapin avec EXCES était preuve de courage et de force. La société norvégienne étant encore très marquée par les traditions ancestrales, on continue ici de trinquer autour d'un grand verre de lapin pour un oui ou pour un non. D'ailleurs, les mecs continuent de dire SKÅL (=crâne en français dans le texte, puisque les vikings buvaient le lapin dans le crâne de leurs ennemis) quand ils trinquent autour d'un bon verre de lapin.
  2. Ensuite, la météo en Norvège, n'est, comment vous dire, pas la plus clémente, avec en prime un hiver long et sombre. La déprime et le besoin de se réchauffer conduisent ainsi à la conclusion qu'il faut consommer du lapin pour se remonter le moral et avoir plus chaud aux miches.
  3. Enfin, la Norvège est grand pays tout vide. Dans la plupart des endroits, tout le monde connait tout le monde. Donc les gens ici n'ont pas l’habitude de parler avec d’autres personnes que les 5 qu’ils connaissent depuis toujours. Je vous explique pas l'introversion moyenne des gens. C'est paaaaaaaass des italiens. D'où la conclusion qu'il faille nécessairement être en état d’ébriété avancé quand on est norvégien pour oser adresser la parole a une personne inconnue du sexe opposé.
Vous l'avez compris : nécessairement, implacablement, les Norvégiens doivent consommer du lapin.

Or, et c'est là que tout se complique : en Norvège, l'Eglise et l'Etat ne sont pas séparés, et l'Etat impose un modèle protestant de prohibition très fort sur le lapin. L'Etat taxe le lapin. Le Norvégien qui, comme on l'a montré précédemment, doit consommer du lapin, se dit que si le lapin est cher et interdit, autant en consommer sans modération quand il en consomme à Donc une à deux fois par semaine (seulement !!) le norvégien se met une grosse race à cuites et comas à  l'Etat augmente les taxes dans le pieux but de limiter la consommation de lapin.
C'est un cercle vicieux.
Du coup, on n'a le droit de rien, avec le lapin.

Pas de lapin au travail, au volant (un chocolat à la liqueur et c'est 65 000€ d'amende), dans les stades. Dans les bars, c'est tout juste si tu dois pas dire au serveur les dents serrées "Un Orangina" avec un clin d'œil pour avoir un demi. (Pour que le mec te réponde, l'"Orangina", c'est 28€.)
Pas le droit d'acheter du lapin après 20h en supermarché, et pas après 18h le samedi.
C'est hallucinant, vous allez dans un supermarché un samedi à 17h50, le truc est plein comme un œuf de mecs, un pack de lapin dans chaque main, en train de se dire "Merde, il me reste plus beaucoup de temps pour passer en caisse en caisse, vite, vite"
Puis, à 18h05, les rayons de lapin sont recouverts de bâches. Voici une photo.




A y est.
Terminé.
Plus de lapin avant lundi.
Du lapin ?
Qui a parlé de lapin?
Y a pas de lapin ici.
Jamais vu.
On sait même pas ce que c'est.


Et là, tu as toujours un touriste genre espagnol ou français parlant anglais avec un fort accent, et criant à la caissière, qui lui explique qu'il peut pas acheter le lapin qu'il a dans son panier parce qu'il est 18h25:
"Putain !! mais c'est une camera cachée ou quoi ??? Comment ca vous pouvez pas me vendre mon pack de lapin ?? Déjà que j'ai galéré a l'attraper sous vos foutues bâches!!"

Pas le droit non plus de faire de la publicité pour le lapin, Et alors évidemment, le sponsoring, on oublie. En même temps, c'est vrai que c'est tellement plus sexy un match de foot sponsorisé par du jus tomate. On a ainsi au boulot des centaines d'échantillons publicitaires qui sont inutilisables. Bjørn-Håkon est content, il a par exemple 56 chapeaux de paille Kranenbourg. Sur le site internet de la boite, on n'a pas le droit de dire qu'on produit du lapin, pas le droit aux photos. Je vous promets.
Ca, par exemple, c'est la page d'accueil du site de l'association des brasseurs de Norvège…


Pour info, le site s'appelle la joie de boire…

Pas vraiment moyen de parler aux consommateurs des différents types de lapins du coup. Même sur les packagings, une appellation du type "Elu meilleur lapin de l'année par les consommateurs" et hop, c'est la taule pour tout le département marketing.
Aucun bar n'a le droit d'avoir un écriteau avec une marque de lapin à l'extérieur. Imaginez la tristesse d'aller à l'Irish pub qui, au lieu d'afficher un joli panneau Guinness affiche Evian. Sans lapin la fête est plus (…). Et mon (…), c'est du (…)???
En plus, pour rentrer dans le bar avec l'écriteau Evian il faut avoir 18 ans, les norvégiens contrôlent ton âge tout le temps partout, qui que tu sois. Il faut que tu sois majeure pour avoir du lapin.
La dernière fois que ma mère est venue en Norvège, on n'a pas pu rentrer dans le bar où son groupe de dark metal préféré faisait un concert parce qu'elle avait pas pris sa carte d'identité. Mais même ma mère, quoi!! Les mecs voulaient rien entendre, on s'est faites refouler. (Je vous raconte pas d'ailleurs le caprice qu'elle m'a fait après, j'ai du l'emmener le lendemain se faire faire un 2eme piercing dans l'arcade sourcilière pour la consoler)…

Le bécot à tous,

Martine

lundi 6 février 2012

Episode 18

Oslo, 15 octobre 2011

Chers tous,

Ca fait un an que je suis là.
Et pour cet anniversaire, j'ai deux bonnes nouvelles.

C'est bien connu, on n'apprend pas au vieil ours blanc à faire la grimace, donc cette année, et c'est ma première bonne nouvelle, on ne me la fait plus, je me suis achetée une lampe de luminothérapie. Le principe est simple, vous vous mettez dans la matinée devant un écran lumineux qui vous bousille les yeux pendant 20 minutes par exemple, et après, on m'a dit que ça marche, on est de meilleure humeur pendant l'hiver.
Mouais, pour l instant, ça fait juste que je suis obligée de lire le Canard enchainé avec des lunettes de soleil tellement ce truc est puissant.
Mais bon, faut ce qu'il faut. Car je me souviens de mon arrivée ici,  pleine de surprises et de naïveté, de mon peu de considération ni pour la lumière, ni même d'ailleurs pour les températures ("ohlala c est bon ça fait quinze ans que je sors de chez moi avec les cheveux mouillés, ça va…"  pour les voir avec horreur se transformer en bâtons de glace, alors que je n'ai meme pas atteint l'arrêt de bus). Maintenant, je suis parée.

La deuxième bonne nouvelle, c'est que j'ai découvert avec force jubilation l'adaptation norvégienne de Fort Boyard, ou Fangene på fortet, ie "les prisonniers du fort" en français dans le texte.

Au début, tout commence pareil. On est content, il y a la même musique, et des mecs qui arrivent dans une annexe à moteur entre les grosses vagues de l'océan gris – bleu vers le fort. Haha ! Ca commence bien, qu'on se dit,  jusque là je comprends tout !

Mais ensuite, la caméra zoome sur les mecs dans le bateau, et ça y est, on commence à avoir envie de se marrer. Je sais même pas comment la petite annexe tient hors de l eau, si vous saviez le calibre des gros bestiaux venus de Norvège pour aller courir comme des lapins dans des escaliers en colimaçon au large de La Rochelle.
En regardant ça, je me revoyais, enfant, sur le vieux divan de la maison de vacances de mes grands parents. Ma grand-mère adorait commenter Fort Boyard par moultes onomatopées et commentaires rigolos avec l'accent breton "Suissi a des bras comme mes cuisses". Je me disais que si ma grand-mère avait vu ça, elle aurait été servie en matière à commenter, parce que je vous assure que c est un véritable régal.
Car, en 2011, en Vendée, nos copains vikings ne sont pas venus en drakkar pour brûler, piller et foutre la merde, mais en annexe pour se battre avec un coton-tige géant, en équilibre sur une poutre, avec une fille au physique avantageux en bikini panthère. Génial !

            Commence alors la présentation des équipes. Sur cette photo, vous pouvez voir que dans la version norvégienne, c'est 2 équipes qui s'affrontent, les noirs contre les blancs, keep it simple and stupid.



Mais, nous voilà rassurés, ils ont changé plusieurs choses à la vraie version (la française quoi !), mais pas les petits caleçons cyclistes noirs bien ridicules. Ouf, nos points de repères sont toujours là.
            Et puis, SURTOUT, ils ont gardé le staff du fort français, pur beurre.
Je saurais pas vous dire ce que ça fait de voir à la télé un gros mec chauve avec un air sacrément mal embouché taper sur un couvercle de casserole géant, et un nain au sourire niais compter des clefs qui font la taille de son bras, et d'hurler :
"Oh !!! C'est mon pays !!!"
Mais bon, ça arrive aux meilleurs.

            Anyway, passé la fabuleuse surprise de découvrir qu'on a donc gardé Passe-partout, Passe-temps, La boule et Félindra[1], on découvre dans des hurlements de rire ce qu'on a fait d'eux. Remarquez que chaque nain a son équipe, comme ca, pas de jaloux. Notez aussi qu'on les a déguisés en basques. Merci le badtaste.no sur les clichés sur la France. Félindra, quant à elle, s'appelle Monique dans la version norvégienne, son vrai prénom I guess, plus vendeur en Norvège qu'en France. (Entre les allemandes de mon âge qui s'appellent Janine et les Henriette en Norvège, je peux concevoir que l'Europe du Nord ne s'offusque pas du prénom Monique…) En tous cas, elle est tout belle, et parle de ses tigres dans un très bon anglais. Curieusement, ils interviewent Félindra plus volontiers que La Boule.  

            Les noirs et les blancs s'attaquent donc dans la foulée aux épreuves. Et, contrairement à toute attente, nos copains les norvégiens en chient un max.
Non seulement, ils donnent tout à chaque épreuve, morflent, et tentent encore. Ils ont l'énergie de se jeter du haut du fort pour aller attraper, suspendu par les pieds à un élastique, un indice de plus avec les dents. Il y a aussi le mec super baraque qui sort en larmes de son épreuve, après avoir rampé pendant trois longues minutes dans un tuyau rempli de rats. Bref, ils en prennent plein la poire
Mais en plus, les mecs ne s'encouragent pas du tout entre eux. (Qui a parlé de culture très très très individualiste ??). Au contraire, ils se foutent même bien de la gueule des uns des autres. En gros, les co-équipiers sont à l'extérieur, et commentent allègrement :
"Oh! Regarde notre tocard de pote ! Il est en train de sacrement paniquer sous l'eau, c'est énorme ! hahaah !" Vous pouvez ainsi voir sur cette vidéo Geir méchamment galérer avec un liquide immonde vert sur un tapis en mouvement. Au début, sa bande de copains blonds l'encourage, et petit à petit, ils commencent tous à bien se payer sa tête.
Au fil de ses épreuves, notre nain international compte les clefs. Pas besoin de savoir parler IKEA pour ça, après tout. Il capte rien, mais il est là, les mecs racontent tout et n'importe quoi en norvégien devant lui, et il continue de sourire bêtement.

            Enfin, épuisés, les pauvres machins arrivent à l'épreuve finale. Comme les boyards, ça impressionne pas trop les norvégiens (ndlr. Aux dernières nouvelles, l'état norvégien ne sait pas exactement chiffrer le patrimoine du fond souverain à 3 milliards de couronnes près, véridique…), on leur demande de se battre direct avec les tigres. Et la semaine d'après, on envoie des nouveaux norvégiens au fort !

Quand j'ai éteint, je me disais, que si tous les pays d'Europe se mettent à vouloir jouer à Fort Boyard, ils doivent avoir un sacré calendrier là-bas. Lundi, c'est les Danois, mardi les Tchèques, mercredi les Portugais ? Est-ce qu'on déguise les nains différemment à chaque fois ?
"Passe partout, excusez nous mais la maison de production hollandaise souhaite que vous soyez déguisés en Footix pour le tournage"
La boule doit avoir le cafard !

Le bécot à tous,

Martine


[1] Ils ont en revanche squeezé  le Père fourras ? Ou alors il est mort?