lundi 19 décembre 2011

Episode 13

Lundi 6 juin 2011


Chers tous,

C'est lundi, c'est raviolis, et ça fait plusieurs semaines que je voulais vous donner des nouvelles.
En bref, pour résumer ces derniers temps, il y a trois choses à dire.

- Je suis décalquée de chez décalquée, un truc de ouf. Et la raison, ce n'est pas (seulement) parce que chez Cralsborg, il pleut de la bière en canette, mais bien que ça y est il ne fait plus du tout nuit.
Ce pays me dépasse, décidemment, quand c'est pas la météo, c'est la lumière.
A 23h, il fait plein jour.
A minuit, il fait bleu.
Ainsi je m'endors avec un masque comme dans les avions (rigolez, rigolez, ça y est j'ai eu 27 ans les gars, c'est plus de mon âge, tout ca…). Du coup, je me réveille en panique, quand la chambre est inondée de soleil, en me disant que j'ai eu la panne d'oreiller la pire de ma vie. Je secoue Bjørn-Håkon qui dort tranquillement sous ce soleil de midi andalou, et en fait, quand je regarde le réveil je vois qu'il n est que 2h57… Je me demande comment ça sera fin juin…

- Je commence à être gavée par les gens que je connais à peine, voire pas du tout, et qui me demandent des adresses de cafés et de restaurants à Paris pour un week-end romantique, avec un programme bien dégoulinant de kitsch, du genre diner sur une péniche devant la tour Eiffel, et tout le tralalala. (my ass)
Du coup, pour les gens que je ne connais pas, l'idée me frôle de leurs conseiller n'importe quoi, depuis le club sadomasochiste de la rue Truffaut sous l'intitulé "Meilleure adresse de brunch, en plus, le staff est super sympa" en passant par le Quick de la porte Clichy "spéciale mention dîner romantique…" et le parvis de la préfecture à Cergy pour une promenade au clair de Lune avec comme commentaire "vous souhaitez lui déclarer votre flamme, mais vous ne savez pas où?"

- Enfin, il faut absolument que je vous parle du 17 mai.
Le 17 mai, les norvégiens fêtent leur indépendance, (17 mai 1814 pour la Minute Histoire, date de la première constitution. Après le bon débarras des Danois, les Norvégiens sont en effet tombés dans les griffes des Suédois…Et ce grâce à qui? Grâce à Napoléon ! Mais disons qu'avec une constitution propre, ils étaient quand même un peu indépendants, qu'il m'ont dit.)
Donc bref, ils font la fête.
Et alors ils sont super contents que ce soit le 17 mai. Mais vraiment super contents.
On se souvenait que OUI ils adorent leur drapeau, OUI ils sont proches des traditions rurales, et OUI ils sont hyper fiers de la région dont ils viennent.
Et ben le 17 mai, c'est une concentration de tout ca, et ça frôle le jamais vu.
Au placard les vêtements branchés, l'Iphone éteint pour quelques heures. Tout le monde en costume traditionnel et dans la rue pour défiler, un drapeau dans chaque main…
Je saurais pas comment vous décrire le sentiment implacable de fédération autour de la Norvège, ni le fait que personne n'y coupe…

C'est comme si vous preniez, tiens, disons le mec de votre classe de seconde le plus irrévérencieux. On en a tous eu (été??) un, vous savez, le gars qui écoutait du hard métal en cours, et écrivait les noms de ses groupes de rock fétiches au tipex sur son East Pack. Celui qui gravait, avec la pointe de son compas dans la table, le A entouré ("mais oui, t'as vu, c'est parce que ça veut dire Anarchiste, et les profs, on les emmerde").
Ou, dans une autre variante, le gars de votre classe qui arrivait en retard, avec le pantalon sous les fesses, qui s'installait sur une table tout au fond, dormait pendant tout le cours d'histoire avec un seul des 4 pieds de la chaise sur le sol. Celui qui, quand il se réveillait à la fin du cours avec la marque des coutures du pull sur le front, allait vous apprendre dans un coin à la récré à rouler votre première "cigarette".

Bon, et ben imaginez tous ces gens-là en costume, se tenant droit, dansant des danses populaires, et se complimentant sur la laine des chaussettes de l'un, et l'éclat des boutons de manchette de l'autre.
A la télé, prenez, tiens, Faudel, Mylene Farmer, Yannick Noa et Mimie Mattie, en train de se prendre dans les bras, eux aussi sapés en costume, en se disant "Félicitations pour le plus beau pays du monde"
Bon et ben c'était ca. Tous les gens ont un bunnad, un costume traditionnel. Alors en plus, ça rigole pas, c'est codifié, selon là d'où vous venez il y a des grosses variations dans le costumes. En gros c est comme si votre pote avait le Bunnad d'Asnières sur Seine et vous celui du 12ème arrondissement. Rien à voir dans les couleurs, bien sûr… je vous envoie quelques exemples.
A 9h du mat, après avoir bu du champagne et chanté l'hymne national (qui commence par, devinez quoi, "Oui nous aimons ce payyyyyyyssss (!!!!) c'est très beau, on se gèle parfois  un peu les miiiiiiiiiiiches, mais c'est très beau très joliiiiiiiiiiiii"), on est allés voir la parade. Je vous envoie un petit jeu.

Devine laquelle des deux photos est le balcon du roi le 17 mai: (réponse en bas[1])


 

Du coup, emballée, je me suis incrustée dans la parade avec un pote de Bjørn-Håkon: autre petit jeu, essaie de nous retrouver sur la photo !












[1] Bon c'était facile quand même, c'est bien sûr la deuxième. L'autre, c'est chez ma sœur à Dallas qu'elle m'a dit.



lundi 12 décembre 2011

Episode 12

Vendredi 6 mai 2011

Chers tous,
Quel plaisir de vous écrire alors que le soleil brille et que le ciel est bleu ! et oui, ça y est ici aussi le printemps est arrivé, et les jours rallongent à vue d’œil… même si ça n’empêche pas mes copains les blonds de continuer de diner à 15h30 et de souhaiter bonne soirée à partir de 13h00…
Une fois je me suis même faite mal voir car j’ai osé un « God morgen! »[1] à 10h30, et qu’on m’a vraiment regardée comme si j’avais pris de la drogue[2], du genre « ça va pas bien mademoiselle l’Europe du Sud de me souhaiter bon matin à 10h30 ? Tu vois bien que je pars à la cantine! Pourquoi pas diner après 17h tant qu’on y est ? Oh non mais on aura tout vu avec les gens des pays du Sud ! »
Et puis c’est pas seulement que les jours rallongent, c’est que, oui Madame, oui Monsieur, on a déjà passé 3 fois la barre des 17 degrés ! Nos copains les scandinaves n’en peuvent plus, ces messieurs sont en short depuis qu’il ne neige pas et les filles s’installent torse nu en terrasse[3], c’est la grosse teuf.
Mais, ne perdons pas le nord : qui dit beau temps dit bon business. Car plutôt que d’aller se coucher comme pendant tout l’hiver (ie octobre à avril) à 18h30, les norvégiens et les norvégiennes, et ben ils vont boire des bières en terrasse. Sehr gut! Wunderschön! comme dirait ma pote Gudrun[4].
Pourtant, et c’est là que le bas blesse, on a beau dire météo du printemps finistérien à Oslo, le marché de l’alcool décroit, et ce manifestement depuis quelques temps ici…
Alors, au travail, on s’arrache les cheveux pour comprendre pourquoi. Mon boss pleure en voyant les statistiques qui montrent que l’âge moyen du premier black out, avec coma éthylique et nuit à l’hôpital, (s’il vous plait !) est passé en 3 ans de 14,7 ans à 15 ans….
MERDEUUUUH qu’il crie mon boss, tout se perd, bordel, et les chiffres du marché sont dégueulasses. C'est pas comme ça que je vais l’élever, mon fils ! (ndlr: pour l’instant ledit fils a 8 mois.)
Et moi, dans mon coin, je me dis mais nom de nom, si c’est moins pire qu’avant, mais alors c’était comment, avant ?? Parce que ce que j'ai vu des Scandinaves en 6 mois, ça dépasse carrément l’entendement. C’est sans rire, no limit. Au-delà du réel. Ihr habt es verstanden quoi.[5] Des gens effondrés sur le bas côté de la route, inconscients, sans jean (mec je crois que tu as perdu un truc…) par -17. (Et pourtant on me la fait pas, je suis pas tombée de la dernière gerboulade-c’est-marrant-j-ai-un-peu-trop-bu-je-crois).
En fait, ici, les gens sont comme des gamins avec l’alcool, c’est tellement le truc interdit ou beaucoup trop cher…du coup quand y en a, offert par des soirées d’entreprise par exemple, ou encore à des prix moins élevés qu’en Norvège (comme, par exemple, dans tous les autres pays d’Europe) ben faut y aller sans réfléchir. C’est comme la piscine de boules d’IKEA quand on avait 5 ans, ou encore les montagnes de nounours en chocolat aux anniversaires des copines de CE1, faut rentabiliser, ça arrive pas si souvent. Quitte à s’en rendre un peu…malade…
C’est ainsi que Bjørn-Håkon est rentré un soir de la soirée de Noël de son entreprise, sans manteau, en me disant fièrement qu’il avait négocié avec son boss un entretien d’embauche pour moi dans son département. Ultra vexé que je lui explique que non merci j’avais déjà un boulot, il s’est couché en me disant que de toutes façons j’étais pas sympa alors qu’il essayait d aider.
Aucun souvenir de cette conversation le lendemain…

Enfin, il faut que je vous raconte un truc. Petite vengeance sur l’école primaire où comme moi vous avez aussi entendu maintes fois « yeux bleus, yeux d’amoureux, yeux marron, yeux de cochon ». Et ben ici c’est le contraire[6].
Du coup j’ai la grosse classe, vous avez pas idée. Des compliments par-ci et des compliments par-là sur mes yeux de cochon. Comme, en plus, être brun, c’est déjà faire partie d’une minorité visible, et ben si je leur avais raconté mon histoire de genou pété, on était bons j’étais dans la plaquette de la boite, à la page
Le groupe Cralsborg, c’est aussi la diversité.
Avec, sous ma photo « Martine, immigrée et handicapée, s’est bien intégrée dans notre équipe ».
Je conclus donc en disant : avis donc aux français célibataires aux yeux bruns qui auraient envie de voir du pays.
Le bécot et bonne semaine à tous,
Martine
 
 


[1] (=bon matin, mais les gens qui ont été nourris à la graine du Goethe Institut Tokyo Hotel wurtz kartoffel die rechnung bitte auront déjà compris)
[2] So what?
[3] Bah viens voir si tu me crois pas ! et tu peux même t'asseoir sur leurs genoux !
[4] Je vous l'ai jamais présentée ? Pourtant elle en vaut la peine, elle est championne d'apnée dans les fontaines de bières de Münich !!
[5] Mais Gudrun laisse moi raconter, euh!
[6] Mec aux yeux bleus, mec ennuyeux, fille aux yeux noirs salope d'un soir oh, ça va, je rigole !

dimanche 4 décembre 2011

Episode 11

Vendredi 15 avril 2011

Chers tous,
Il y a une chose qui continue de m’interpeller ici.
D’un côté, la Norvège est un pays extrêmement avancé sur plein de points. Peut-être même un des plus avancés du monde. Non contente d’être indécemment riche et d’être médaillée d’or de l’indice de développement humain de toute la planète, la Norvège a en prime une société décomplexée et très avancée : ici, on pense de façon libérée. Ici, on ne pédale pas la tête dans le saumon.
Les femmes ont eu le droit de vote il y a cent ans, la prostitution n'est pas punie (enfin seulement le client, c'est une société "girl power" :-) ), le mariage gay est une question archivée, les cellules des prisons sont vachement mieux que des apparts-hôtel Novotel, on remet le prix Nobel de la paix à un chinois en prison (après tout, avec 4,9 millions de norvégiens, qu’est ce qu’on en a à carrer de se fritter avec la Chine, merde ?).
En revanche, il y a des aspects de la société qui sont ULTRA conservateurs. L’exemple, qui n’est pas un détail : la prohibition de l’alcool. Des taxes frisant le ridicule sur la moindre canette de bière, des bouteilles de mauvais beaujolais-nouveau-d-il-y-a-3-ans-on-s-en-fout-à-l-etranger-ils-ont-pas-compris-le-concept à 75€. Le tout jalousement gardé dans les magasins appartenant à l’Etat, où il faut presque passer un interrogatoire à la caisse pour ramener à la maison sa bouteille de Malibu à 140 €. (je vous jure que ce dépliant rose fait foi, c'est mon permis de conduire (…) non je l’ai pas fait faire par une classe de maternelles(…) oui, j’ai un appareil dentaire sur la photo, à l’époque j’ai souri, je pensais que ce serait marrant, la conduite accompagnée(…))
Ca ne rigole pas du tout, vous n’imaginez pas. Un pote de Bjørn-Håkon s’est fait chopper dans la rue avec une bouteille vide de bière à la main, ça a été direct 250€ d’amende. BIM.[1]
Autre tiraillement de la société norvégienne : l’exemple de la relation de la Norvège avec les technologies d’une part et leurs racines de l’autre. Certes, avec un niveau de vie pareil, une densité d’habitants au km2 atteignant max celle de la Creuse dans le centre d’Oslo, et surtout, du fait de la nécessite d’être bien équipés, à cause d’un climat de cochon des neiges, on a besoin de technologies pour communiquer facilement. Pour avoir l'impression d'être connecté à plus de 7 personnes quand on vit dans une ville de Norvège de taille moyenne.
Du coup, tous les foyers ont l’Internet haut débit depuis 1995. Tout se fait en ligne aussi depuis belle lurette, et ils ont le plus haut taux de pénétration de l’Iphone au monde. Quand on monte à Oslo dans le tram, on a limite l'impression d'être sur le tournage d'une pub pour Apple. Je vous parle même pas du fait que pour prendre rendez-vous chez le médecin, c’est par sms, et que, mon préféré, on peut payer par carte dans les taxis. (Rhoooo, ça me fait tellement plaisir que vous allez refaire le tour du pâté de maison, monsieur.)
Du coup ici, je fais rire aux larmes mes collègues à la cantoche en essayant de leur expliquer le concept du Minitel. J’ai même cru que mon boss allait s’étrangler dans son fou-rire quand j’ai raconté que pour communiquer avec ma banque en France, la POSTE pour ne pas la citer, il fallait que j’envoie un fax. (J’ai du me faire trois antiquaires pour pouvoir envoyer ce p*** de fax, puis finalement j’ai rencontré une polonaise dont la famille immigrée venait d’en avoir un pour Noël. Nan je rigole, c'est nul.) Ils sont en avance sur tout et du coup il me croyaient pas trop avec mon histoire de fax (Sans parler du chéquier, où là ils ne me vont vraiment pas cru du tout).
C’est donc un peu comme s’ils avaient dans une main l’Iphone 7, et dans l’autre, un épluche patate.
Ils sont sincèrement très attachés à la terre, aux traditions, à leurs origines, à leur dialecte, et ont tous sans exception une partie de culture et de savoir-faire ruraux.
Déjà petits, ils apprennent à attraper et à manger des grenouilles, à buter des oiseaux migrateurs et à bâtir des tables en bois à l’école. Quand mes parents me disaient « tu as 2 mains gauches, on aurait du t’envoyer aux scouts », j’aurais dû leur répondre « Non, j’aurais plutôt du être à la maternelle à Lillehammer pour apprendre à construire une église en bois debout[2] avec Silje et Sindre »
Vous allez donc voir un Øyvind grand et beau, habillé super classe, pianoter sur son Iphone dans le tram à Oslo, en vous expliquant nonchalamment comment construire un igloo ou effrayer une meute de loups (véridique…). L’application de l’Iphone la plus téléchargée ici est un app’ qui repère les élans à 10 km à la ronde, pratique pour aller au travail.
Ce pays a une position vraiment surprenante entre traditions et modernité.
Le jour de la fête nationale, les norvégiens enlèvent leur jean Diesel ajusté ou leur petite robe Maje pour enfiler leur costume traditionnel. C’est des trucs magnifiques, brodés d’argent, qui coûtent la peau du derche et qui sont en général dans la famille depuis plusieurs générations. Et tout le monde en a. Tout le monde, même les bébés. Ca gratte et, à la longue, ça pue, mais ça en jette.
Autre exemple interpellant, à la coupe du monde de ski. Le roi arrive sur son balcon, devant le tremplin. Son entrée dans le stade est saluée par quatre blonds de la garde royale en uniforme impeccable, qui sonnent un coup de trompette, accompagné d’un « Mesdames et Messieurs, le roi » dans les haut-parleurs.
Et là, tu vois un gus avec un certain embonpoint débarquer dans un manteau Goretex ultra technique et avec un bonnet 4ème génération, qui tient bien chaud partout sur la tête, c’est pour ça que ça coute 4 380€, qu’on m’a expliqué.
Pour conclure ce nouvel épisode par la météo, le printemps semble aussi arriver à Oslo et j’ai désormais le plaisir d’aller au travail à vélo. J’ai l’impression d’être ainsi comme dans toute capitale européenne qui se respecte en soutenant la tendance écolo-bobo (bon même si j’admets que je n’ai pas dans mon panier des tomates à 55 euros le kilo achetées au marche bio du boulevard des Bâââtignôôôlles). Mais, alors que tranquillement je m’abandonne à croire, que c’est devenu moins dépaysant, maintenant que ces foutues tonnes de neige ont fondu, je me suis faite doubler lundi par un mec en ski à roulettes, avec la version été de la combi de ski…
Ils sont fous ces norvégiens.

Le bécot à tous,
Martine


[1] "Les putes oui mais l'alcool non, comment tu veux qu'on ait une chance d'accueillir un jour la coupe du monde de foot?? Bon heureusement c'est pas mieux en Suède donc ils ont pas plus de chance que nous" m'expliquait Bjørn-Håkon, un peu désabusé…
[2] Vous savez, ces superbes églises en bois sombre avec des planches verticales (et qui foutent sacrément les jetons si vous vous retrouvez tout seul dedans).

lundi 28 novembre 2011

Episode 10

Mardi 29 mars 2011

Chers tous,
Pour ce dixième épisode,  Martine a, pour vous, fait appel au professeur Gluteklutt, Professeur ès Norvégie, auteur du célèbre livre Hvor mange pølser kan du spise i et minut??[1], afin de mener une interview récapitulative sur la culture de base à avoir sur la Norvégie.
Martine: Cher professeur, merci d’être avec nous aujourd’hui.
Prof. Gl. : Ca va, je suis norvégien, on va pas faire dans la forme. Ne tournez pas autour du bac à glace et  passez directement aux questions.
Martine: On va commencer, alors. Pourquoi la Norvège s’appelle-t-elle Norvège, cher Professeur ?
Prof. Gl : Ma pauvre Martine, si vous ne savez pas ça, cet entretien ne va pas casser 3 pates à un phoque, enfin bon. La Norvège veut dire chemin du Nord.  Nor= Nord, Way=chemin, idem en norvégien avec Nor-ge. C’est par là que les premiers hommes sont montés le plus au Nord dans l’histoire de l’humanité. Ils allaient quand même pas passer chez ces gros tocards de Suédois.
Martine: Vous semblez avoir des difficultés avec les Suédois.
Prof. Gl : Je vais être honnête, vos questions sont vraiment moisies. Mais je vais y répondre. Si beaucoup de gens croient que la Norvège et la Suède, c’est flocon blanc et blanc flocon, nous, on a une certaine retenue vis-à-vis du pays de la Volvo, des Krisprolls et autres Dancing Queen à la mords-moi-le-glaçon. On est passé de trois siècles dans le giron danois à un siècle de domination suédoise, à cause de votre FOUTU Napoléon, Martine, on s’est tapé des princes anglais, danois, la totale. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la Suède a dit rester neutre quand on était occupés. Et mon cul c’est du renne, Martine ? Maintenant on dit fuck aux Suédois, fuck à tout le monde, y compris à l’UE, que tout le monde nous foute la paix !
Martine: Donc la Norvège n’est pas dans l’UE ?
Prof. Gl.: On va pas se mentir: on a le PIB par habitant de très loin le plus élevé de la planète, c’est pas pour aller financer avec notre pétrole les loosers de l’Europe de Sud ou de l’Est. Notre fond souverain a environ 3000 milliards d’euros et on est 4,9 millions. On est kikil, on distribue pas. En revanche, on est dans Shenghen, on n’est pas non plus des pigeons des neiges.
Martine: Enfin, il fut un temps où les ancêtres des norvégiens avaient une logique moins autocentrée et plutôt conquérante, non?
Prof. Gl.: Ah ! Mais ne nous remerciez pas ! Sans nous, vous n’auriez pas chanté «  J’aime à revoir ma Normandie » mais «  J’aime à revoir ma Svenskerie »
Martine: ??
Prof. Gl.: Men fi pokker (ndlr: en norvégien dans le texte) Martine, vous êtes bêtes à manger des boules de neige. Le passé de la Norvège est connu pour les épopées vikings, d’où le fait que la Normandie s’appelle Normandie. Et oui, en norvégien, Je suis norvégien se dit je suis normand. (nor=Nord, man=homme, un homme de la Norvège quoi, et suédois se dit svensk)
Martine: En parlant de la façon dont dire les choses, comment expliquez-vous la quantité de dialectes si variés dans un pays aussi éduqué ?
Prof. Gl.: Il va falloir tout vous expliquer de A à Å ? Attention, Martine, vous prenez des vessies de Lapons pour des bougies dans la neige ! Dans les années 60, on est devenus extrêmement riches et extrêmement rapidement, à cause du pétrole. On n’allait pas en quelques années changer nos habitudes de vikings de la nature se déplaçant à ski en celles d’un pays centralisé et urbanisé. On est juste devenus très riches, on a gardé nos dialectes et nos deux langues écrites, ainsi que nos 29 lettres : A B C (…) X Y Z Æ Ø Å.
Martine: Ca y est j’ai tout compris de A à Å !
Prof. Gl.: Martine, discerner votre esprit de compréhension, c’est comme retrouver un glaçon dans un igloo, je doute que vous ayez tout compris…
Martine: Oui bon ben ça va. Vous entendez donc que malgré un niveau de vie moyen très élevé, les norvégiens ont gardé des us et coutumes de gens de la campagne, n’est-ce pas ?
Prof. Gl: Martine, faut vous expliquer toute une nuit polaire, mais vous comprenez vite ! Vous avez déjà vu un norvégien souhaiter bon appétit, tenir une porte, s’excuser après vous avoir cassé le bras sans faire gaffe dans le bus ? Non ! On renifle, on n’attend pas que les autres soient servis pour manger au restaurant, on dit pas bonjour, pas au revoir, on n’a pas de mot pour dire s’il-vous-plait, on mange de la pizza congelée le jour de Noël, et on fait n’importe quoi avec l’alcool.
Mais bon, tout le monde nous aime, on a du fric plein les bas de laine de baleine, on est beaux, on s’habille avec des trucs chers et stylés, on est super sympas, on triche pas, on ment pas, on n’est jamais mauvais esprit, on s’énerve jamais, et on a tous des supers beaux voiliers. Convaincue ? høhøhø !

Martine: Très bien cher professeur, merci à vous…


[1] Combien de saucisses peux-tu manger en une minute ?



lundi 21 novembre 2011

Episode 9

Mercredi 16 mars 2011

Chers tous,
Je retire ce que j ai dit.
Vraiment. J’ai ri, je me suis moquée du ski de fond, en long en large et en travers, c’est vrai.
Mais ma vie a basculé il y a deux semaines dans le stade de la coupe du monde de ski.
Franchement, c’était carrément incroyable.
Déjà qu'en temps normal, les Norvégiens ont leur drapeau partout (vêtements, produits alimentaires, arbre de Noël, gâteaux d’anniversaire, nan mais sans blague, vous imaginez ça en France ? Bon anniversaire Marine Lepen !), mais là, c’est sûr, j’en ai eu la preuve vivante, la Norvège est aussi le premier pays du monde en ce qui concerne le ratio : nombre de drapeaux/population. Mon estimation me fait arriver à 81 drapeaux (grande taille, hein) par personne.
Ensuite, c’est assez spécial de se dire qu’on va dans un stade de ski de fond. Mais ça existe. Bon, évidemment, le stade n’est pas complètement fermé, parce que les pauvres machins ils font trente km donc ils deviendraient dingues. En fait, on se trouve au début de la course qui fait une boucle (et donc on est aussi à l’arrivée puisque c’est une boucle, pour ceux qui ont fait une école d’ingénieur). Les mecs se lancent, disparaissent… et ils reviennent. Je me suis demandé si je regardais pas de la formule 1, c’était carrément délirant. Petter Northug (l’archi grande star de cette coupe, un norvégien de 25 ans beau musclé arrogant et stupide, sans surprise quoi) a mis le feu à la neige, je vous jure, y avait des étincelles qui dépassaient de ses skis quand il tournait.
Une fois les champions arrivés, ils se vautrent dans la poudreuse avec deux médecins autour (certaines vomissent même juste après la ligne, nan mais qu’est ce qu’on ferait pas pour se rendre intéressant, je vous jure), les autres suivent, y en a tout un troupeau.
Le dernier arrivé, c’était un tanzanien. Le gars black, tout sourire. Tranquillou pilou les petits virages et le chasse-neige. Il a eu une de ces ovations.
Mais après, on s’est aperçu qu’il y en avait en fait encore un qui arrivait, et lui, il était danois. Ils ont rien dit mais j’ai bien vu que ça faisait vachement plaisir à Bjørn-Håkon et à sa famille que le dernier soit danois. Parce que bon, quitte à pas pouvoir blairer les suédois, y a pas de raison d’être copains avec les danois non plus.
Bref, ovation et hymne national entonné en boucle pour le champion norvégien. Sa tête et celle des quelques autres superstars norvégiennes partout dans les medias pendant dix jours. Ici, si vous ne connaissez pas Petter et consorts, c’est comme si vous aviez jamais entendu parler de Johny en France ou encore vous ne situiez pas du tout le visage de Sarko. Sur-médiatisés, je vous dis. Et des foules plus en délire que pour des stars du rock.
Quand ils terminaient les courses chaque jour, ces fameux sportifs, ils reprenaient le métro au pied des pistes pour redescendre dans le centre ville (ça, c’est le charme d Oslo. Imaginez Tignes au bout de ligne 14 et vous avez tout compris) pour recevoir leurs médailles devant le château du roi.
Les gens étaient déchaînés, il n’y a aurait pas eu plus de monde si Michael Jackson avait fait un duo avec Madonna, U2 et les Beattles (oui je sais, c’est débile, c’est pas possible qu’il chante en duo avec tout ce monde là d’un coup, puisque pour faire un duo, il faut pas être mort). Ovation de quinze minutes donc, hymne national norvégien encore et encore, un truc de dingo.
Bon et puis en plus, ils sont bon esprit ces normands, du coup, ils applaudissent tout le monde. Il y a un français qui a décroché une splendide médaille d’or, Jason, au combiné nordique. Quand l’orchestre du roi de Norvégie a entonné la marseillaise, les norvégiens, ils applaudissaient. De toute façon, pendant les dix jours de cette coupe du monde, les norvégiens étaient complètement euphoriques et tout le temps contents. On pouvait leur dire n’importe quoi, ils se foutaient du reste, la Norvège remportait deux médailles d’or par jour (limite deux par compétition, même si bon, c’est un peu comme l’histoire du duo, techniquement c’est pas trop possible mais c’est l’idée).
Le point d’orgue, ça a été la course des cinquante km le dernier dimanche.
Il y avait 100 000 personnes au bord des pistes, dont 30 000 avaient passé la nuit dans des tentes au bord de la piste, pour être sûrs de voir une demi seconde leurs héros nationaux.
Ils sont fous ces norvégiens. Ils ont des tentes avec des trous en haut pour faire des feux de camps a l’intérieur de la tente, parce que forcément camper dans la nature c est charmant, mais par moins dix, ça l’est moins.
Depuis (si toutefois c’est possible), le ski de fond est encore plus dans le vent qu’avant en Norvège. Bjørn-Håkon, par exemple, fait des compets de ski, des compets, des compets. Il mange tout le temps, il dort beaucoup, et je dois picoler toute seule. Dur de vivre avec un champion.
Au supermarché, je pense que j’ai le même panier que la mère de famille de 40-50 ans avec 4 garçons entre 10 et 18 ans à la maison. Tous les jours, j’achète 3 pizzas XXL, des lasagnes et parfois quand Bjørn-Håkon a encore faim, je fais une tartiflette.
Mais bon, je préfère encore qu’il aime ça plutôt que le biathlon. C’est plus sympa de le voir farter ces skis dans le salon, le soir, en m'expliquant avec force technique « tu vois la neige, demain elle sera tombée depuis approximativement 37 heures, donc il faut utiliser cette couleur de fartage pour optimiser la trajectoire dans les pentes », plutôt que de cirer sa carabine en me demandant « on peut faire un test? Tu vas mettre cette pomme sur ta tête et fermer les yeux »…

Le bécot à tous,
Martine


lundi 14 novembre 2011

Episode 8

Mardi 22 février 2011

Chers tous,
Un petit mot du pays des glaces. Depuis que je suis arrivée, en octobre dernier, je n’ai dû voir Oslo (sans rire) que dix jours sans la neige et la glace, et la neige, et le verglas. (et la neige).
Si je voulais être poète, j’écrirais que j’apprends à conjuguer le verbe neiger à tous les temps, au fil des flocons de ton âme, que quand il neige au fond de mes yeux, des jours sans la glace qui transperce la banquise de mes sentiments, etc, etc.
Mais NON. Ce n’est pas un froid pour la poésie ni la conjugaison. Ce n’est pas léger et joli. Quand on sort le matin, c’est pas « Ohlala, mes biquets mignons, fermez bien votre Kway il fait frisquounet » c’est vraiment « Oh p*** sa mère la ****, il a tellement neigerions cette nuit, qu’encore eut il fallu que je me congelasse pas le potiron, on va tous crever cette fois-ci, sa race. »
L’étape 1 est donc de s’équiper. Le matin, il faut mettre son réveil un quart d’heure plus tôt, pour avoir le temps de mettre toutes les couches possibles et imaginables de vêtements en laine/peau de phoque/d’ours tué au couteau dans une backstreet du quartier mal famé d’Oslo. Sous ses chaussures, il faut clipper des super crampons de 5 cm de long, pour marcher sans se vautrer lourdement comme un Finlandais éméché sur les trottoirs patinoire. (Mais qui font des trous dans la moquette comme si un troupeau de chats sauvages avait fait une rave partie dans le salon.)
L’étape 2 est la première inspiration. Les gars, j’ai enfin compris pourquoi les scandinaves ne s’énervent jamais. Le froid polaire engourdit le visage qui devient en quelques inspirations aussi inexpressif que celui de Cher après ses 16 liftings. Du coup, les narines se figent avec le givre, et on parle au bout de quelques minutes comme quelqu’un ayant passablement abusé de la boisson, à 7h30 du mat’.
L’étape 3 est cruciale : tenter par tous les moyens de ne pas louper le bus. Sinon c’est entre 5 et 10 minutes par -18. Le téléphone sonne? Oui mais est-ce que le coup de fil vaut vraiment le coup de perdre un doigt? (C’est vachement long d’attendre, je vous jure). Parfois, je suis tellement au fond du seau à glace que je pense à vous envoyer à tous un sms du genre : « Je ous aimais, je vais mouri, j’äi déjà perdu 2 doigtrs en ous ecriavnt ça », pour finalement voir le bus arriver.  Merde, too late, je l’ai déjà envoyé à mon meilleur ami, qui une fois m’a répondu, « je reçois le même texto 3 matins par semaine, bordel, Maroni, achète-toi des gants... »
Mais les Norvégiens, eux, ils ont vraiment peur de rien. Vous êtes en béquilles ? Ils en font avec des peaux de phoque dessous pour pas glisser. Vous avez un gamin en bas âge ? Mettez-le dans un petit traineau que vous tractez en ski de fond ! Vous habitez en haut d'une rue en pente ? Rattrapez le bus en ski, en snowboard (véridique) ou en luge dans la rue, voyons !
Et le we, c’est génial puisqu’ils font du ski, du ski, su ski. (Bon de fond bien sûr, ici le ski c’est forcément du ski de fond...). A l’arrivée de la dernière compet’ de ski de fond de Bjørn-Håkon, les mecs qui venaient de se taper cinquante km en ski à -15, il fallait les voir. Ils étaient blancs, avec de la sueur ou de la salive qui avait gelé en stalactites et qui pendait de leur bonnet ou des coins de leur bouche. Les cheveux givrés. Ca foutait les jetons quand même. J'espérais un autographe de Robert Pattinson, j'avais l'impression d'être sur le tournage de Twillight. Mais eux, nan, ils souriaient pour les photos. 
Ca, on peut le dire, les norvégiens ont vraiment la foi. Mais la foi en quoi ? En Norvège il n’y a pas de séparation de l’Eglise et de l’Etat. (D’où le fait d’ailleurs qu’il soit possible de recevoir des invitations du genre : « Viens a la mairie pour fêter ma première communion », ou encore « vous êtes bienvenus à la maison pour une soirée baptême laïque. », paie tes mélanges...)
Le bon roi Harald V est donc le chef de l’Eglise, et le roi d’un petit pays protestant très riche, et en fait purement rationnel et ultra cartésien, avec 100% de baptisés, et peu de croyants finalement.
Ce n’est donc pas en Dieu que les Norvégiens croient, mais bien en LE SKI, LE SKI et LE SKI. C’est une vraie religion, une philosophie de vie. A l’heure où je vous parle, Oslo est en effervescence, la coupe du monde de ski commence demain soir, et justement à Oslo. Tout le monde ne parle que de ca. Rues bloquées, week-end bookés, 90% des produits dans les supermarchés portant le logo de la coupe du monde (y compris les couches, les tubes de mayonnaise, le papier toilette. etc.) Les gens dépensent des centaines d’euros pour assister aux épreuves, ou pour être dans les tribunes du tremplin de saut et voir en live des blaireaux en cellophane risquer leur vie pour au final rester dans l’anonymat.
Toute une histoire. J’ai hâte.
Le bécot à tous,
Martine


mercredi 9 novembre 2011

Episode 7

Vendredi 28 janvier 2011

Chers tous,

L’heure est grave. Au moment où je vous écris, je suis dans une période d’incertitude sur mon avenir dans ce pays.
C’est avec beaucoup d’émotion que je vous préviens qu’il se peut que je sois renvoyée en France comme une vulgaire russe sans papiers. (ndlr: histoire vraie…)
Les événements récents ont un peu précipité mon destin en Norvège, et je pense que mon intégration y est définitivement compromise, pour une cause sur laquelle aucun citoyen norvégien, ni même la préfecture ne fermera les yeux.
Je suis archi et désespérément nulle en ski de fond.
Après un crash test de 4 min 35 secondes puis 2 paquets de kleenex à pleurer dans le froid, j’ai dû me rendre à l’évidence : non seulement je suis nulle, mais en plus, je déteste ça, vraiment. (Même si je dois vous l’admettre, on m’avait prêté des chaussures que Bjørn-Håkon avait quand il a commencé le ski de compétition à 7 ans, et c’était du 41, donc ça n’a pas aidé).
Mon seul espoir pour m’en sortir est de collecter vos dons pour m’acheter un traineau afin de pouvoir continuer à me rendre au travail. Je pourrais ainsi louer un jeune et beau suédois qui, en ski de fond, tirera mon traineau jusqu’à mon travail. (Cheap labour comme on dit ici. Les Norvégiens le pensent sérieusement, en disant que les Suédois sont des fêtards qui parlent fort, débarquent par ferries entiers à Oslo pour faire des petits boulots.... Je crois qu’un grand monsieur avait dit un jour que tout est relatif. Et bien je pense vraiment qu’il n’avait pas tord...)
IL ME FO COLLECTE UN MILLIART DE COURONNE POUR DANS UNE SEMEINE.
CE MESSAGES N E PAS UNE SPAM OU UNE PLESENTERIE. VOUS POUVER SAUVEZ UNE VIE EN FESANT PASSER CET A PELLE A 7 PERSONNE QUE VOUS AIMEZ DAN VOTRE CŒUR.
ALORS VOUS SERE FORTUNER ET IL VOUS ARRIVERA DES GRANDE CHOSE.
SINON UN MALEUR S ABBATTERA SUR VOUS ET DANS L ANNEE PROCHEINE VOUS SEREZ CROQUE DANS LE METRO PAR UN OURSE BLAN.
CHAK FOIS QUE LE MAIL SRA TRANSFERER ALORS LE SUEDOI DU TRENO TOUCHERA UNE PIESSETTE
BIEN A VOUS MES CHER FRERE  JE CONTE SUR TOI SVP


lundi 7 novembre 2011

Episode 6

Vendredi 14 Janvier 2011

Chers tous,

Tout d’abord, permettez-moi de vous souhaiter à tous une très bonne nouvelle année 2011. Ou Godt nytt år comme on dit ici. Enfin, c’est ce que j’ai compris le 3 janvier quand j’ai cru claironner ça à tous mes collègues, puis que je les ai vu tous se poiler parce que je leur avais dit en fait Godt nytt hår (Voyons, ça n’a rien à voir, faites un effort enfin), et que ça voulait dire bons nouveaux cheveux.
Mais il semble que je ne sois pas la seule à avoir des soucis de prononciation. Un de mes potes français a souhaité à ses collègues pendant un an tous les vendredis soir God elg au lieu de god helg, ce qui, au lieu de bon week-end, veut dire bon élan. Un de ses collègues malodorant, qui se trouve en plus avoir un gros nez et des petits yeux marron mesquins ne lui parle plus jamais, va comprendre.
Je me dis qu’en tant que francophones, cette foutue histoire de h aspiré nous poursuivra toujours. (cf le célèbre ARRY POTTEUR, ou encore, pour les copains germanophones, le classique ich heisse devenant ischeisseuh, ou encore le coup du Tortilla paella tapas te quiero Maria vamos a la playa en espagnol. Ah non, crap, ça marche pas en espagnol en fait). Nan parce que franchement, en français, on fait pas trop la différence entre : « hé blaireau, tu la bouges ta caisse ??! » et « éh blaireau, tu la bouges ta caisse ??! ».
Sont ensuite venues les conversations classiques du « t’as passé Noël où ? ».
J’avais envie de les terroriser en leur disant : « Je suis rentrée à Paris et je me suis faite sur-nourrir par ma famille de trucs, vous savez même pas que ça existe. Genre tu prends une oie tu lui ouvres le bec de force et tu lui fais avaler plein de saloperies histoire de lui bouffer le foie en revenant de la veillée de Noël. »
Pour les entendre me répondre, emballés : "C’est chouette ! Nous, depuis l’époque viking, on mange des têtes de mouton coupées en deux au petit déjeuner. Le mieux, c’est quand l’œil du mouton craque sous la dent. »
(Je vous jure que je vous pipeaute pas, voici une photo). Je me sentais pas trop bien après ça et en me disant qu’après tout, nos histoires de foie gras et de fromage bleu, c’était un peu des trucs de mauviette.
Petit dej d'un enfant norvégien de 6 mois
.
Du coup, les norvégiens ont définitivement une version idyllique de la France. Tu pourrais leur dire à peu prés n’importe quoi, ils adhèrent. (mais genre vraiment n’importe quoi, du genre que ta mère te shampouinait au rosé quand t’étais petit, et que se rouler dans les rillettes du Mans, ça donne les fesses roses). Le vin, la bouffe, les belles villes (Paris is so cheap ahaha!, alors ça, Paris, pour eux, c’est les prix de la Pologne pour nous), et surtout SURTOUT la côte d’Azur. Les tartines d’huile Monoï, le soleil, et de l’alcool buvable à moins de 50€ la bouteille, les scandinaves, ils achètent.
Ici, tout ce qui a un nom français est tout d’un coup beaucoup plus glamour. (Il n’y a donc pas que les allemands qui font ça ! ach so lekker, eine BAKETTEUH und ein KROISSANT). Par exemple, notre bière super premium ici, c’est la Kronenbourg, so french et donc so chic. (??). LA marque des sous-vêtements sexys s’appelle Pierre Robert. Imaginez donc une photo des pubs Aubade avec Pierre Robert à la place :
« Leçon numéro 14, Pierre Robert, laissez-le vous dévoiler son gros charme ». Forcément, ça fout le cafard. Comme un ingénieur qui tenterait d'enlever de façon sexy in t-shirt avec un truc dessus du genre Lim(Ln)=∏∑√∫≤≈1 LOL !!!
Autre fait marquant (mais un peu désolant), au sujet du rapport des norvégiens à la France, ils ont été ultra marqués par Hélène et les garçons, exporté jusqu’ici pendant plusieurs années. A l’impro, les copains m’ont chanté en cœur le générique, et quand certains norvégiens sont complétemenpaf, ils me surnomment Cricri d’amour. Merci AB1…
Bon sinon ici, en janvier, il fait encore et toujours un temps pas possible. Du fait de ces conditions climatiques passablement hostiles, on assiste à une multiplication de compétitions de sports plutôt peu communs.
Samedi par exemple, Bjørn-Håkon a participé à la coupe de Norvège d’aviron en salle. Quand j’ai eu fini de rigoler, j’ai bien dû me rendre à l’évidence que c’était possible.
Les mecs sont sur des machines de rameur en rangée dans un gymnase, à 13h30, duquel on voit de la neige et le coucher du soleil à travers le carreau. Au top, ils se mettent à ramer comme des dingues pendant que les copains/coachs/familles leur gueulent dessus en Ikea : DET ER KJEMPEBRA KOM IGJEN STOR DRIT*[1]
Pendant ce temps-là, on voit sur l’écran, qui montre la course virtuelle qui est en train d’avoir lieu, que le numéro 12, Tor Eirik est en train de dépasser le numéro 4, Øystein Knut suivi de près par le numéro 7, Leif Jostein Erlend. Les mecs en chient à max, vous n’avez juste pas idée. Pourtant, il faut bien dire qu’avec la sélection naturelle qu’il y a eu ici pendant un sacré bon paquet de générations, la plupart des participants sont des beaux bébés…
A la fin de la course, les types se laissent tomber des machines comme des vieux sacs, partent au vestiaire à quatre pattes, rampent jusqu’au podium pour les plus chanceux.
Ensuite, vient le relai. Là, ça devient carrément comique. Cette fois-ci, en plus du public, c’est tout le monde qui crie parce qu’ils se HURLENT dessus entre co-équipiers, un truc de débile mental, puis se filent le machin et se dégagent a grands coups de pompes dans les cotes tour à tour de la machine. Le soir, Bjørn-Håkon était lessivé et moi sourde, mais on avait bien rigolé.
En décembre on avait aussi vu le championnat de Norvège de patinage de vitesse. On était 17 dans le public (tous les licenciés + un groupe de quelques français + une veille qui avait besoin d’aller aux toilettes). Les mecs en bavaient aussi, enroulées de cellophane à patiner dans la neige comme des malades. (Mais au moins, on était sûrs que la glace tiendrait bien.)

Le bécot à tous,
Martine

[1] Réponse A. Quel est le prix du tapis bleu descente de lit 30x80 cm?
  Réponse B. Tu vas ramer espèce de sous-merde ??

mardi 1 novembre 2011

Episode 5

Mercredi 22 décembre 2010
Chers tous,
Comme je ne suis toujours pas enneigée dans un fjord, voici un dernier épisode de Martine chez les blonds avant Noël.
Si je faisais le bilan de mes deux premiers mois ici, il y aurait surtout des aspects positifs. Un bon exemple est la capacité qu’ont les norvégiens à ne jamais vraiment se prendre au sérieux….[1]
Par exemple, ils sont capables de vous dire que le couteau à fromage est l’unique contribution de la Norvège à l’avancée des techniques dans le monde, et que la chanteuse d’AQUA, norvégienne, qui chantait Barbie Girl, fait leur fierté, juste histoire de vous faire rire… Alors qu’avec la mentalité d’un cocorico élevé au bon grain français, ils s’attarderaient volontiers sur le fait que leurs arrière-grands-parents trouvaient déjà ultra ringard le Nokia 8210, sur les incroyables œuvres de Krieg et de Munch, et surtout, sur le niveau de leur PIB par habitant (un calcul du genre : 5 436 milliards de trillons d’Euros/4,9 millions de blonds)…
Au travail, la hiérarchie est raplapla : ils font les organigrammes avec le DG tout en bas, (j’ai jamais été si haut dans un organigramme je crois, avec une bonne frayeur au premier coup d’œil : « putain, il y a le DG dans mon équipe ?? »), et me font goûter de la bière en réunion. Et, véridique, les jours de grand froid, le chef de mon chef distribue des saucisses et du vin chaud à l’accueil pour le petit dej. Pas trop de pression sur l’étiquette, donc…
Autre point remarquable, contribuant au calme de la vie ici, ils s’énervent jamais vraiment non plus. Même quand tu leur as dit : "La capitale de la Norvège, c’est Stockholm, c’est ça? », juste pour voir la fumée sortir des trous de nez de Knut[2], un norvégien qui pète un câble le fait calmement. Il sera capable de vous dire avec le ton apathique de la fille des annonces SNCF « le TGV à destination de Brive-la-Gaillarde va entrer en gare voie C. Eloignez-vous de la bordure du quai, s’il-vous-plait. »
« Je suis franchement hors de moi, nom d’un curé de fjord, je vais casser la cabane en bois puis partir en Islande à la nage, éloigne-toi de moi, trou de balle d’ours blanc, s’il-te-plait »
Pas de cris, pas de larmes donc, pas d’étalage d’émotions, ni au travail, ni dans le cercle privé[3]. Le flegme norvégien n’est donc pas une légende. Et ça les fait bien marrer de nous voir à la télé nous déchainer contre les retraites, par exemple. « Nous, on brûle pas nos huskies quand on est pas contents. »
Autre aspect formidable, la beauté de ce pays. Tiens, il y a trois semaines, on est allés à Tromsø, au nord du nord. C’était tout simplement sublime, cette photo est une photo de notre week-end.

 (Photo n.17, premier soir à l’hôtel)
Nan, je rigole, cette seconde photo est vraiment une photo de notre week-end.
 (Photo n.1, arrivée à l’aéroport, en recherche de la direction de l’hôtel par Thor et par Odin, suivez le Nord et l’hôtel se situe à droite juste avant la Russie)

Dans les points négatifs, il en faut quand même, ça va être évident, mais très vrai : le froid.
C’est un peu comme avec les jours qui durent trois heures, si t’es pas né là, c’est pas évident de s’y faire.
Franchement, je me suis toujours dit que les autochtones ici savaient mieux résister, et justement ce week-end, on en a eu une preuve flagrante. La une des infos était focalisée sur le cas d’un petit garçon d’un an qui s’était échappé de son lit à barreaux puis jeté dans la neige par -15, en voilà un jeu rigolo ! Il a été retrouvé une heure plus tard par son père, son corps à une température de 21 degrés. Transféré en hélico à l’hôpital en catastrophe, il a reçu un traitement typiquement norvégien[4], et aux infos, on voyait le gamin aux joues toutes rouges, en forme, en train de tirer la langue aux cameras le lendemain-même comme si de rien n’était. Bref, je pense vraiment qu'ils ont quelques gênes en rab’.
Pourtant, même certains vikings se font avoir apparemment. Par exemple Bjørn-Håkon, qui a trouvé malin d’aller un soir, par -14, faire cinquante kilomètres en ski de fond, avec sur la tête un béret, et il a eu les oreilles gelées, le pauvre vieux. (Acte manqué ??? Il m’a dit pendant dix jours qu’il n’entendait rien de ce que je disais). C’était surréaliste, elles ont enflé, gelé puis brûlé. Elephant man quoi. Et quand, un dimanche matin en pyjama, il m’a emmenée aux urgences de Tromsø, avec ses oreilles gigantesques et rougeaudes empaquetées dans du PQ parce que je m’étais méchamment ouvert le doigt avec un couteau à pain et que ça pissait le sang, j’ai vu dans les yeux du médecin de garde qui me recousait le doigt comme un « oh la vache, votre vie doit pas être de tout repos »
En vous souhaitant de bonnes fêtes de fin d’année J, le bécot à tous,
Martine


[1] …bon sauf évidemment quand on fait des grosses erreurs bien lourdes de culture génerale sur le Nord de l’Europe. Ce que tous les Francais  font tôt ou tard. Comme la fois où un collègue a failli me balancer son assiette de purée d'oignons des neiges à la gueule, car je croyais que la Finlande était dans la Scandinavie. Un norvégien va s'énerver si vous lui dites que la Norvège est dans l'UE, ou encore si vous lui demandez s'il y a plus de montagnes au Danemark qu'en Norvège, ou pire si vous le confondez avec un Suédois, alors là, c'est le pétage de câble assuré..(cf paragraphe pètage de câble à la norvégienne)
[2] Pas besoin de l'énerver pour ça, en même temps, il fait de toute façon -15
[3] Et pas de fight dans les transports en commun avec les petites veilles riches, ni de scandale dans les restaurants quand la cuisse de baleine est mal cuite…dur dur L
[4] Officiellement, on l'a mis dans une couveuse, officieusement on lui a filé trois larmes de coyotes des neiges dans le crâne d'un ennemi sûrement suédois